SAMI, UNE JEUNESSE EN LAPONIE, de Amanda Kernell – 1h53
Avec Lene Cecilia Sparrok, Hanna Alström, Mia Erika Sparrok
Sortie : mercredi 14 novembre 2018
Mon avis : 4 sur 5
Le pitch ?
Elle, 14 ans, est jeune fille d’origine Sâmi. Elève en internat, exposée au racisme des années 30 et à l’humiliation des évaluations ethniques, elle commence à rêver d’une autre vie. Pour s’émanciper et affirmer ce qu’elle souhaite devenir, elle n’a d’autres choix que rompre tous les liens avec sa famille et sa culture.
Et alors ?
Il faut être honnête : peu d’Européens connaissent l’existence des Samis de Suède, autrement désignés sous le nom de Lapons et qui occupent une zone couvrant le nord de la Suède, de la Norvège, de la Finlande, ainsi que la péninsule de Kola en Russie. Le mot de « lapons » est d’ailleurs péjoratif car il est issu de la racine « lapp » signifiant en suédois porteur de haillons. En mettant cette population au cœur de son scénario, Amanda Kernell aborde de façon frontale la question d’un racisme oublié à l’égard d’une population de laissés-pour-compte.
À travers le parcours de Elle qui se révolte, elle montre comment les Suédois veulent maintenir cette ethnie de chasseurs et d’éleveurs dans un état de citoyen de seconde zone. Pour elle, la
seule solution, c’est de quitter l’uniforme ethnique pour se glisser dans des vêtements ordinaires. « De nombreux Samis ont décidé de tout quitter et de devenir Suédois. Ainsi, je me suis toujours demandé ce qui se passe quand on décide de couper tout contact avec sa propre culture et son histoire ? Peut-on réellement devenir une nouvelle personne à part entière ? Sami est une déclaration d’amour à tous ceux qui sont partis et à tous ceux qui sont restés – racontée du point de vue de Elle Marjas. Je souhaitais faire un film où l’on pouvait comprendre la société amie de l’intérieur. Un film qui permet de vivre de manière physique cette partie sombre de l’histoire coloniale suédoise. Un film avec des joik (chants traditionnels) et du sang » souligne Amanda Kernell.Aussi bien quand Elle débarque chez les parents de son copain de vacances dans leur maison de la belle bourgeoisie, que lorsqu’elle se révolte contre sa professeure autoritaire et bornée, ou subit encore l’humiliation de l’examen anthropologique dans l’école, la réalisatrice nous fait partager ce quotidien d’humiliation.
De plus, par le truchement du flash-back quand, après le prologue où la vieille dame revient dans son pays, on fait un grand saut dans le temps, peu de détail nous indique précisément l’époque dans laquelle la jeune fille évolue. Années 30 ou 40 ? Ce qui donne une résonance particulière à ce récit, parfois lent, mais très bien mené et joué. Lene Cecilia Sparrok campe avec une vraie maestria cette jeune fille rebelle qui préfère vivre à la dure que de sacrifier son désir de liberté. Des années plus tard, devenue vieille, elle préfèrera, quand elle rentre au pays enterrer sa sœur, séjouner à l’hôtel plutôt que d’être hébergée dans sa famille, même pour une nuit. Et le jeu de regard à son entrée dans l’église en dit plus qu’un long discours.
On découvrira vite comment elle a été marquée comme un renne et porte une blessure indélébile qui l’attache de manière terrible à cette culture qu’elle a fui. En confrontant le passé au présent, ce film montre bien la lutte vivante entre la tradition et la modernité. Et montre finalement que le peuple Sami a peu de chance dans l’avenir d’échapper au statut d’attraction pour touristes…
