LIBRE COMME LE CINÉMA

L’ÂGE D’OR DES CINÉ-CLUBS – L’affaire Annabelle Miscuglio, d’Emanuela Piovano – 1h38

Avec Laura Morante, Dil Gabriele Dell’Aiera, Gigio Alberti

Sortie : mercredi 8 août 2018

Mon avis : 3 sur 5

 

Le pitch ?

Dans un village des Pouilles, Arabella, mordue de cinéma, a lutté pour sauver sa petite salle en plein air. Sid, son fils, n’a jamais accepté cette passion qui a tenu sa mère éloignée de lui. Il veut vendre ce cinéma et couper avec son passé. Pourtant, les amis d’Arabella tentent de le convaincre de renoncer à son projet.

Ce qui touche dans ce récit ?

Indéniablement, ce drame sentimental vaut mieux que le titre un peu trop transparent et informatif mais qui évoque clairement la vie d’Annabella Miscuglio. Une histoire qui a été inspirée à Emanuela Piovano par la rencontre avec cette femme libre et volontaire alors qu’elle était jeune étudiante en cinéma à Rome. Emanuela Piovano raconte : « Elle et son fils Piero m’ont hébergée chez eux et cela est resté ma base romaine durant quelques années. Annabella était une personne extrêmement fascinante dont tout le monde était amoureux, les hommes comme les femmes. Sa maison accueillait un va-et- vient incessant d’artistes internationaux : Schifano, Godard, Dominique Sanda, Lou Castel, Alberto Grifi, Alvin Curran… Ils se pressaient pour la rencontrer comme si elle était un gourou. C’était des années de recherche, nous vivions dans un climat de grande liberté et de créativité déchainée. »

La jeune cinéaste a aussi perçu la souffrance vécue par son fils avec cette mère si particulière et avant-gardiste. Annabella Miscuglio fut notamment au cœur d’un scandale en 1981 à cause d’un documentaire, AAA : Offresi , où, elle filmait en caméra cachée les clients de Véronique, une prostituée, avec son accord. Ce doc lui valut quinze ans de galère juridique suite à un procès de censure pour exploitation de la prostitution !

Pour évoquer une telle figure,  Emanuela Piovano passe par le prisme du cinéma et des ciné-clubs chers au cœur d’Annabella Miscuglio, elle qui créa un des premiers lieux de ce type au monde, le célèbre Filmstudio lancé en 1967. Jouant sur un montage fragmenté et rythmé – à la manière du cinéma underground italien-  passant d’une caméra fixe pour évoquer le présent à des images de film de famille des années 60, la cinéaste restitue bien la femme en perpétuel mouvement que fut Annabella Miscuglio. Une femme engagée et impliquée qui dit à un moment de l’histoire : « Pourquoi le cinéma nous rend meilleur ? Parce qu’en un sens, il atténue le choc de la vie. »

Outre ce montage original, Emanuela Piovano a imaginé quelques séquences étonnantes comme les répétitions des présentations des films dans l’église comme s’il s’agissait d’une pièce de théâtre ou la scène magnifique et émouvante d’enterrement dans un cadre absolument inattendu ! Et puis, il y a Laura Morante qui campe, frémissante et d’une éternelle beauté, cette femme aussi libre dans sa vie privée que dans ses choix artistiques et qui, à l’automne de sa vie, semble ne rien regretter de ses choix passés. En tout cas, c’est un  portrait touchant d’une femme debout et la reconstitution d’une époque de libération avec tous les excès que cela peut comporter et les blessures qu’ils purent susciter.

 

 

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