« MONTY » OU LES BLESSURES D’UNE VIE

Si les artistes peuvent avoir une sensibilité complexe, Montgomery Clift fut un être vraiment déchiré. La biographie Montgomery Clift : L’Enfer du décor (*) revient sur le parcours d’un grand comédien qui cacha bien des détresses. Un travail fouillé…

D’emblée, Sébastien Monod annonce la couleur et souligne ce qui l’a poussé à se pencher sur les cas Clift : « Ce que j’ai souhaité faire, c’est un livre proposant la synthèse de tout cela en y ajoutant un aspect analytique qu’on ne trouve, à ce jour, dans aucun autre ouvrage consacré au comédien. » Mêlant les aspects biographiques à l’analyse des films -entre autres –  du comédien, Sébastien Monod décrit avec minutie les motivations d’un artiste qui commença très tôt sa carrière – à 13 ans, il était déjà sur les planches à Broadway – et connut un parcours-éclair.

Après avoir  plus de treize années sur les planches, il en passa vingt sur les plateaux de cinéma – pour 17 films en tout et quelques chefs d’œuvre- avant de mourir prématurément à 45 ans. Clift fut aussi un rebelle d’Hollywood parvenant même à une époque où il fallait rester dans le rang à faire réécrire ses dialogues.

Surveillé par un mère omniprésente et qui voulait éduquer ses trois enfants de manière aristocratique, Monty commença à tourner pour des publicités mais s’il ne prisait guère la chose (on la même vu dans une publicité pour la prestigieuse marque de piano Steinway) C’est à 18 ans, en pleine révolte contre la férule maternelle et en compagnie de Morgan James, comédien âgé de vingt-deux ans, que l’acteur va prendre son envol en solo. C’est avec lui que l’acteur – qui n’avouera jamais son homosexualité – fera ses premières descentes dans les milieux interlopes. L’auteur livre ainsi une anecdote : « Un soir, à l’occasion d’une de ses virées, il croise, au détour d’une artère de Broadway, Orson Welles et sa troupe du Mercury Theatre en train de réciter à tue-tête des vers de Shakespeare. » De lui, Welles a dit : « Monty était très secret en ce domaine. Un jour cependant, nousnous sommes tout dit. Je savais qu’il avait très peur qu’on découvre la vérité et était extrêmement discret. On le comprend. Il voulait devenir un grand acteur, et l’homosexualité peut être dangeurese dans une carrière, du moins à cette époque. »

Au fil des analyses de ces films, on découvre à quel point Montgomery Clift était d’un perfectionnisme maladif et un artiste aussi vulnérable. Ainsi sur le tournage de L’Héritière, en 1949, il prie de réalisateur William Wyler de « ne pas l’engueuler devant toute l’équipe du film. » Des tensions, cet artiste en connaîtra d’autres, notamment avec Alfred Hitchcock sur le plateau de La Loi du silence, en 1953. Sébastien Monod écrit :  » Ce sont deux conceptions du cinéma qui s’affrontent: d’un côté, le cinéaste qui connaît le moindre plan de son film et refusant tout changement (« Pour moi, un film est terminé à quatre-vingt-dix-neuf pour cent quand il est écrit », confie-t-il à Pierre Billard de L’Express), de l’autre, l’acteur héritier de la « méthode Stanislavski » favorisant la réflexion et l’improvisation. « 

Souffrant en prime d’un alcoolisme chronique, Monty était un être torturé qui choisissait ses films avec circonspection, le temps n’arrangeant pas les choses. Ainsi, l’été 1955, il aurait refusé pas moins de 163 films, et pas des moindres : Le train sifflera trois fois; La Chatte sur un toit brûlant ou encore L’Homme des vallées perdues !

Pas étonnant que sur le plateau des Désaxés, de John Huston en 1961, il s’est trouvé une complicité avec Marilyn Monroe. Comme le disait le mari de Marilyn et auteur du scénario, Arthur Miller« Ni l’un ni l’autre n’étaient capables de dominer leurs problèmes. Ils ne savaient pas s’adapter aux situations […] Monty était, cependant, plus souple que Marilyn, plus apte à travailler. »

Avec cette biographie, parfois un peu déséquilibrée entre partie biographique et analyse des films,  on perçoit mieux la personnalité complexe d’un comédien dont la vie privée et la vie professionnelle furent intimement liées. Et qui, outre l’alcoolisme, ne se remettra jamais d’un grave accident de voiture.

(*) Édition LettMotif

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