« SPARTACUS » : LE COMBAT DE KIRK DOUGLAS POUR LA LIBERTE

spartacus-2Dans un petit livre brlllant, bourré d’anecdotes et enfin traduit, I am Spartacus (*), Kirk Douglas revient sur les circonstances de la réalisation d’un film dont il fut producteur et acteur, sans jouer de la langue de bois. Une implacable description de la lâcheté dont Hollywood fut capable dans les années 50…

On savait Kirk Douglas capable d’un beau brin de plume et d’une rude franchise sur le petit monde d’Hollywood. Il l’avait prouvé dans ses souvenirs, Le Fils du chiffonnier où il évoquait sa carrière sans faux semblant. Avec I am Spartacus, l’acteur âgé de 96 ans revient sur les aléas du tournage d’un film commencé par Anthony Mann, dépassé par les évènements, et terminé par Stanley Kubrick dont Kirk Douglas souligne autant le talent que la médiocrité premierecollectionc62_350x350humaine. Il le décrit ainsi : « Ce dont je me souviens le mieux chez Kubrick, c’est de ses yeux. Il avait l’air d’un basset avec ses grosses valises toutes tristes sous les yeux. Ce que je n’ai pas compris lors de notre première rencontre, c’est que cette apparence endormie cachait un homme à l’esprit toujours sur la brèche, sans cesse en train de réfléchir.  » Un créateur qui n’aurait pas été gêné de faire figurer son nom à la place d’un autre scénariste au générique pour échapper à chasse aux sorcières qui avait été déclenchée à Hollywood en octobre 1947 quand la Commission des activités anti-américaines avait commencé son sinistre travail de censure et contraint bien des artistes à se coucher.

D’une plume alerte, Kirk Douglas revient sur les grandes lâchetés qui ont accompagné alors la vie à Hollywood. Rappelant ses origines juives – son vrai nom est Issur Danielovitch Demsky- il écrit à propos de la « déclaration du Waldorf » qui inaugure la liste noire et qui fut signée par les directeurs des grands studios comme Jack Warner ou Louis B. Mayer : « Six des Dix d’Hollywood étaient juifs. Je regrettre d’avoir à le dire mais, la majorité de deux qui ont publié la déclaration des Waldorf l’étaient aussi ! Comment des juifs, eux-mêmes victimes de millénaires de persécution, et notamment de l’épisode de peur et de génocide le plus atroce que le monde ait connu -l’Holocauste en Europe- pouvait-ils justifier de perpétuer le même climat de peur en Amérique ? »


Cela lui permet de raconter comment il est parvenu à faire figurer au générique de son film, le nom d’un scénariste talentueux et prodige qui ne travailla des années durant que sous pseudonyme : Dalton Trumbo. L’homme a réussi un coup de maître en adaptant le livre d’Howard Fast. « Ses opinions politiques me sont bien égales » souligne Kirk Douglas qui a pris tous les risques pour défendre une idée de la liberté et de la vraie démocratie.

Outre la description minutieuse du montage d’un film qui aurait pu devenir maudit, outre les portraits réussis de certains acteurs -celui de Charles Laughton vaut le détour, tant il était grincheux et procédurier – ce livre touche par la description d’une époque qui ne fit pas honneur au cinéma américain. Et à la liberté de pensée d’un acteur devenu un vieil homme, toujours fidèle à ses idéaux.

(*) Editions Capricci

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