Tous en sont pas des gens qui ont vécu dans la marge loin de là et il faut découvrir les larmes de Michel et Daniel quand ils évoquent les mois de privation, les humiliations, les violences physiques et sexuelles, une émotion à fleur de mots qui « éclate » quand ils témoignent devant le couple de psychologues professionnels qui les écoutent au diocèse pour instruire le dossier.
En les réunissant dans une maison isolée en juin 2018 près de Frontenex avec vue sur le sommet de la Belle Étoile de leur enfance -le centre de Mercury est aujourd’hui devenu résidence immobilière – Clémence Davigo est parvenue à établir une vraie confiance et , en cadrant au plus près des visages, montre bien combien il est difficile pour eux de raconter ces mois de « martyr » (le mot est du conseiller du diocèse). Ainsi Daniel, champion de marathon avoue : »Toute ma vie, je n’ai jamais rien pu faire, je n’ai jamais réussi à dire je t’aime, t’es belle… non, rien… impossible ». Avant d’évoquer la tentation qu’il a eue plusieurs fois de se suicider.
Même si l’Église a , depuis certaines affaires retentissantes, accepté d’ouvrir des dossiers, d’écouter les plaignants, on mesure bien les limites de l’ouverture quand des anciens du centre sont enfin reçus par l’archevêque pour lui demander de dire une messe au nom des enfants de Mercury, de faire apposer une plaque en leur souvenir dans le lieu, et de réparer les préjudices que cette histoire a eu sur leur vie, le prélat a bien du mal à avoir une décision nette, évoque même des pensionnaires… qui auraient même des bons souvenirs de l’endroit. Si l’Église aurait bien voulu depuis financer la plaque, la mairie n’aurait pas encore répondu favorablement. Et depuis le tournage, l’évêque est parti… même si, d’après ce qu’a déclaré la réalisatrice sur le réseau ICI (ex France Bleue), il aurait fait un signalement au procureur de la République au sujet des accusations d’abus sexuels vécus par certains pensionnaires. À suivre donc…
Une chose est sûre : il a fallu soixante ans et de se retrouver entre « anciens » pour que ces septuagénaires lèvent le voile sur le scandale de ce centre tenu en tout impunité par un religieux détraqué. La Grande Muette, ce n’est pas que l’Armée…
