Parce que c’était elle…

Pour donner vie à une telle fin de vie, il fallait des actrices qui puissent se « répondre » avec la plus grande finesse. Et l’on est bluffé par le duo formé par Tilda Swinton et Julianne Moore, qui expriment les nuances psychologiques les plus subtiles. Dans le rôle de Martha, Tilda Swinton signe une performance singulière dans un registre inhabituel. Le visage laissé libre de tout maquillage, elle exprime la lassitude de vivre d’une femme habituée à gérer sa vie, y compris dans les situations les plus extrêmes sur les terrains de guerre, et qui refuse de laisser le cancer gérer la fin de ses jours. Face à l’urgence de cette fin de vie, elle peut parfois se laisser aller à des répliques cruelles. Le seul moment où elle redonne des couleurs à son visage de marbre, s’habillant d’une tenue d’un jaune vif, symbolise alors une espèce de dernier hommage à la vie, comme une ultime parade.

Face à elle, Julianne Moore campe une femme déchirée par ses propres choix de vie – que laissent entrevoir les retrouvailles avec son ami-ancien amant, joué par John Turturro, parfait – et qui, hantée par la mort comme le prouve son dernier roman, accepte ce dernier voyage non sans réticences. D’une simple intonation, une mimique, elle parvient à exprimer bien des dilemmes moraux, de solitude face à la situation exigeant le plus de discrétion possible. Dans la séquence finale avec le détective dont la foi devient une arme et qui fait tout pour la faire craquer, son jeu, derrière une apparente froideur, est parfait. Et, de manière très intelligente, Pedro Almodovar fait passer ici une réflexion plus politique sur le retour de certaines dérives religieuses qui reviennent en force dans le champ laïque et sur la difficulté d’être femme dans une société toujours patriarcale.

Loin de toute débat pro-euthanasie, loin des lieux communs et des effets larmoyants, ce drame avec l’amitié au cœur du récit, pose « simplement » la question du prix donné à une vie quand elle devient un calvaire. Et donc de la dignité humaine. Un drame puissant et digne, porté par une musique originale, signée Alberto Iglesias, et qui accompagne cette histoire d’une aura mélancolique.

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