Pédaler pour survivre

Au cœur de l’histoire, il y a le sésame : la quête des papiers et de la demande d’asile. Et, sans forcer sur le traite ni tomber dans le pathos, Boris Lojkine décrit bien tout est bon pour parvenir à décrocher ce papier permettant de ne pas être expulsé. Et qui offre aux restaurateurs et autres traiteurs, une population taillable et corvéable à souhait.

Dans une réalisation nerveuse qui a des allures de polar – de l’accident de vélo à la course chez son « employeur » pour récupérer son « salaire » – le cinéaste montre comment tous ces livreurs, qui, malgré une entraide ponctuelle, sont victimes d’une concurrence permanente face à des commerçants pas toujours honnêtes, mènent une vie indigne où ils passent le temps à courir pour survivre. Ainsi quand il faut récupérer le bus qui les conduit à leur centre d’hébergement. Sans parler de la scène de passage devant l’agente de l’OFPRA (L’Office français de protection des réfugiés et apatrides) où Souleymane joue son va-tout face à une fonctionnaire (impeccable Nina Meurisse déjà présente dans Camille, le précédent film du cinéaste) qui n’est pas dupe.

Raflant le prix du Meilleur acteur – le film a reçu aussi celui du Prix du jury – au dernier Festival de Cannes dans la catégorie Un certain regard, Abou Sangare est la révélation de cette histoire en forme de froid constat. Boris Lojkine l’a trouvé lors d’un casting sauvage dans la communauté guinéenne, et à Amiens. Il raconte comment ce jeune guinéen de 23 ans arrivé en France sept ans auparavant, a accroché son regard : « Son visage, sa parole, l’intensité de sa présence à la caméra nous ont d’emblée saisis. C’était lui. » Et, triste coïncidence, Abou Sangare connaît le même parcours de galère pour régulariser aujourd’hui encore sa situation en France !

Cette Histoire de Souleymane ne peut que susciter la réflexion et échapper aux idées rebattues par certains politiques, tant ce parcours de vie est très émouvant et d’un grand réalisme. Au 2e Festival de la Fiction et du Documentaire politique de la Baule, ce film puissant et naturaliste a touché le jury comme les spectateurs: il a remporté le Prix du jury-fiction; le Prix des médias et le Prix du public-fiction. Une histoire qui n’a pas fini de faire parler d’elle.

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