Hommage
Il vivait depuis des années avec des ombres, ne prisant guère son époque : Alain Delon vient de rejoindre ses modèles. Alain Delon, la star qui parlait de lui à la troisième personne, a lâché la rampe à 88 ans, laissant une filmographie des plus impressionnantes sur l’écran noir de nos nuits blanches.
Il y a avait du félin chez Alain Delon. L’homme qui venait de nulle part et n’était pas « programmé » au départ pour briller au firmament du cinéma, lui, l’apprenti-charcutier qui, après une enfance rude, s’était engagé pour l’Indochine et qui fêta ses vingt ans en prison à Saïgon.
À son retour à Paris, c’est la rencontre avec l’actrice Brigitte Auber qui lui ouvre les portes du cinéma, son physique et son regard métallique n’y étant pas pour rien. Ensuite, on l’a assez conté sur tous les tons, Delon va se forger sa légende sur grand écran, en tournant pour les plus grands (et avec les plus grands) : Visconti, Melville, Godard, Clément, Cavalier… « J’ai tout fait ou presque. Il n’y a que le Christ que je n’ai pas joué« , disait celui qui n’hésita pas à s’autoparodier en Jules César dans Astérix aux jeux Olympiques en 2008 en lançant, impérial, son « Ave moi ! »
On l’a ainsi vu en aristocrate dans Le Guépard, dans l’habit de Charlus dans Un amour de Swann, de Victor Schlöndorff en 1984, en séducteur vieillissant montrant son postérieur dans Le Retour de Casanova comme en ambigu marchand d’art dans Monsieur Klein, un de ses très grands films signé Joseph Losey, en 1976. La liste est longue, longue… Et il en faudrait pas oublier le rôle qui lui valut un César : celui du garagiste alcoolique dans Notre histoire, de Bertrand Blier, en 1984. Il n’ira pas chercher la statuette : les félins chassent en solitaire. Il acceptera pour autant de venir à Cannes recevoir la Palme d’honneur devant une salle debout en 2019, et où il prononça un discours en forme de testament, ému de recevoir le prix des mains de sa fille.

