Revenant sur l’affaire Samantha Geimer, la relation illicite avec une jeune américain mineure en 1977, Sabine Prokhoris (ci-contre) ne nie pas la responsabilité de Polanski dans cette relation, tout en écrivant : « La description que Polanski avait faite pour sa part de sa rencontre avec la jeune fille, et de son attitude « typique de l’adolescence qui veut paraître cool », montre qu’il avait très bien perçu l’alimentation de l’adolescence vers un monde adulte fantasmé. Mais sans en mesurer probablement l’ambivalence, dans une Amérique où, même au cœur de l’effervescence des années 1970, le sexe restait un péché. Et de toute façon la jeune fille était mineure. En conséquence, il aurait dû prudemment s’abstenir. Cela n’est pas contestable. Il ne la conteste pas. »
Tout en explorant le rapport de Polanski à l’imaginaire et à ses personnages, analysant avec nuances son cinéma, y compris le documentaire récent et très instructif, Promenade à Cracovie qui fut boycotté par une majorité de salles en France, l’auteure s’interroge aussi sur le processus médiatique et certains emballements du microcosme. Ainsi quand elle revient sur l’interview croisée entre Samantha Geimer et Emmanuelle Seigner dans Le Point, en mars 2023 et sur la manière dont l’ancienne « victime » de Polanski, devenue sexagénaire, est le plus souvent encore présentée avec une photo d’adolescente, elle souligne que c’est un moyen de conforter l’image d’un Polanski prédateur. S’attachant à démonter certaines allégations sur Polanski, Sabine Prokhoris prend un pari risqué : celui de penser que le lecteur serait « plus avisé et prudent aujourd’hui devant les récits de médias manichéens »
Si les récentes « révélations » sur les abus sexuels d’artistes comme Benoît Jacquot et Jacques Doillon -entre autres – pose la question nécessaire d’une « omerta » dans le milieu artistique, l’essai sur Polanski a le mérité d’évoquer le rapport entre la justice et le bruit médiatique, de la réalité des faits face au puissant relai des réseaux sociaux et du fake. Si le comportement de Polanski peut légitimement être critiqué, peut provoquer le débat, la question de la vérification des infos est capitale. Comme il est vital dans une démocratie de laisser le temps à la justice de faire son travail, sans pour autant taire la douleur des victimes. Un équilibre fragile à tenir en ces temps de frénésie médiatique et la concurrence des réseaux sociaux.
(*) Ed. Le Cherche Midi

