Sur les pas de Rimbaud

Tournant huit jours dans la ville marocaine de Larache où l’errance de Rimbaud est modernisée – hasard, Jean Genet est enterré dans un petit cimetière surplombant la ville- Pedro Aguilera signe une évocation cinématographique de la fin du poète et il y montre comment, devant les difficultés financières, Rimbaud semble perdre pied, se réfugie dans un univers de rêves, proche de la folie, ou se met dans des rages folles. Ainsi quand il pique une rogne devant le bébé chameau qu’on lui propose pour transporter ses cargaisons d’armes alors qu’il ne peut porter une telle charge et l’affuble de son propre chapeau. Il est vrai son constat d’un « état de guerre » permanent, antérieur même à la présence de l’Homme ne pousse pas à l’optimisme.

En ayant en contrepoint les propres mots de Rimbaud dans une Saison en enfer, ce film pose la question de savoir si la vie de commerçants, d’armes qui plus est, n’est pas le prolongement « naturel » de son aventure poétique antérieure. Et qui cherche à gagner sa liberté en « faisant de l’argent », lui a a commis, par le passé, bien des fugues comme un vagabond. Rimbaud, cet athée mais empreint de mysticisme, qui écrit justement dans La Saison en enfer : « Je vais dévoiler tous les mystères : mystères religieux ou naturels, mort, naissance, avenir, passé, cosmogonie, néant. Je suis maître en fantasmagories. Écoutez !…”

Utilisant judicieusement les rues aux portes colorées de Larache – sorte de théâtre moderne pour évoquer une tranche de vie restée mystérieuse -le réalisateur promène « son » Rimbaud dans ces dernières errances. Un essai réussi malgré quelques facilités de mise en scène comme celle où l’accélération des images semblent symboliser la vie qui dévore le quotidien de Bonnard-Rimbaud. Un acteur complètement investi, entré à fond dans son personnage au point de porter sur lui la fameuse ceinture de huit kilos contenant des pièces d’or que le poète portait autour de la taille. Et qui a glissé des cailloux dans sa chaussure pour claudiquer et indiquer cette douleur au genou, en fait un cancer, qui emportera quelques années plus tard le poète. Et s’il porte un plâtre, c’est le hasard d’un accident de tournage : se blessant à la main lors de la scène avec les poissons, Damien Bonnard a dû être opéré de la main. Tout un symbole pour jouer un écrivain qui a définitivement rangé plumes et crayons…

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