Initiales D.D.

Là où cette nouvelle version apporte des éclaircissements nouveaux, c’est sur la période de l’Occupation qui valut à l’actrice, accusée de collaboration culturelle après le voyage à Berlin de mars 1942. Une polémique, malgré l’absence de sanctions de la Commission gouvernementale d’épuration du spectacle, qui fut relancée par un extrait du film, Le Chagrin et la Pitié, de Marcel Ophuls, en 1971 où, par un montage rapide, il rapprochait un extrait du dénouement du Juif Süss, terrible film de propagande antisémite avec des images d’actualité montrant Danielle Darrieux lors de ce périple. L’auteure écrit: « L’insistance du cameraman sur l’actrice témoigne de l’importance de la star en 1942. Elle porte un manteau de fourrure luxueux et sourit, parfois cigarette à la main, reçoit des fleurs, salue à côté d’Albert Préjean et Viviane Romance. »

Pour autant, Clara Laurent (ci-contre) va plus loin et, après avoir étudié des archives récentes (certaines copies figurent en illustration), montre bien comment Danielle Darrieux, jeune star de 25 ans, est allée en Allemagne pour tenter de voir l’homme dont elle est amoureuse, Porfirio Rubirosa, prisonnier en Allemagne, malgré son statut diplomatique, après qu’il a frappé un sous-officier allemand, suite à une rixe au cabaret L’Aiglon. Et le mystérieux Alfred Greven, gérant de la firme allemande Continental qui fait la pluie et le beau temps en France. Lors d’un entretien en 2009, Danielle Darrieux aurait confié à Alan Riding pour son livre Intellectuels et artistes sous l’Occupation, sorti en 2013 : « Ma mère avait un grand-père polonais et (Greven) sous-entendait qu’il y avait des Juifs dans ma famille. »

Si ce voyage continue de susciter le débat, cette biographie montre bien comment il faut séparer le cas de Danielle Darrieux de celui d’une Suzy Delair, autre figure du voyage, qui n’a jamais caché son admiration pour l’Allemagne et a même dit devant la commission d’épuration en janvier 1945 : « J’aime l’ordre et j’ai dit que les Allemands avaient de l’ordre. C’est tout. » In fine, Danielle Darrieux a bien quitté ce voyage de douze jours pour s’éclipser après les journées à Berlin, et qu’elle retrouvera Porfirio Rubirosa pour quelques jours à Bad Neuenheim avant de rentrer en France par ses propres moyens. Et son amoureux sera finalement échangé à Lisbonne « contre des diplomates allemands. »

Dans les dernières pages de la biographie, qui passe en revue avec minutie les films de l’actrice, l’auteure revient sur la manière dont Danielle Darrieux, qui était une jeune femme moderne des années 30, est devenue à l’écran la « grand-mère moderne de la fin du XXe et du début du XXIe siècle ». Et qui, dans un Cinémonde de mai 1946, se projetait déjà dans la vieillesse en disant : « J’ai essayé au-delà des circonstances matérielles de maintenir dans mon existence une certaine part d’honnêteté vis-à-vis de moi-même et de poésie. Je vous dirai plus tard si j’ai réussi. En attendant l’époque où j’aurai des cheveux blancs. »

(*) Ed. Nouveau Monde

Un autre regard sur ce voyage

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