Une couple mythique

Si la lenteur témoigne d’une époque, il surprend toujours par sa force et le jeu des comédiens : Kalfon y campe ce metteur en scène qui monte Andromaque, alors qu’une caméra de télévision « l’espionne » dans son travail (l’équipe dirigée par André S. Labarthe était venue filmer au départ la technicité théâtrale). Quant à Bulle Ogier, beauté diaphane, entre improvisation et désarroi, elle signe une composition des plus attachantes. On la voit souffrir graduellement car elle sent que son « homme » s’éloigne, dévoré par sa passion du théâtre et ensuite pour son actrice principale.

Certains moments restent d’anthologie comme la séquence où le couple en pleine crise se « venge » sur le papier peint. Ou encore celle qui arrive dans la dernière partie du récit et qui montre le naufrage de la pièce. Sans parler d’instants où l’humour (noir) est présent : ainsi quand Kalfon joue avec un revolver après l’avoir proposé à Bulle Ogier alors même qu’elle ressent des pulsions suicidaires.

Évoquant la longueur de l’objet final dans l’interview déjà citée, Rivette déclarait : « Quand on a commencé le montage, je n’avais aucune idée de ce qu’allait être la longueur du film ; en tournant, nous ne nous posions jamais la question de ce que nous garderions. Au bout de quatre mois de montage, quand cela commençait à prendre forme, nous avons montré le film à Truffaut ; si François m’avait dit qu’il s’était ennuyé, j’aurais coupé, essayé de raccourcir. »

En tout cas, cet Amour fou reste l’un des films marquants qui symbolise la manière de voir de la Nouvelle Vague et la manière dont Rivette filme de manière discrète, mais fluide avec un art consommé d’user d’un noir et blanc charbonneux.

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