Dans ce récit qui évoque mille trouvailles techniques de cette époque, et bien des noms qui ne « parlent » qu’aux historiens zélés du 7ème Art, défilent bien des visages qui ont marqué son art, tant en France qu’aux États-Unis où Alice Guy mena une jolie carrière, que ce soit Louis Feuillade, les frères Lumière Maurice Tourneur, John Barrymore et… Charlie Chaplin. Chaplin qui lui explique pour justifier son refus, alors qu’elle lui proposait Le Chapeau de paille d’Italie, pourtant « américanisé de son mieux » : « J’ai l’intention de faire des films de sentiment. Du reste, je ne travaille jamais sur un scénario. Je prends un objet quelconque et je me dis : que pourrais-je bien inventer avec ça ? ».
On mesure à la lire l’espèce d’énergie qui s’est libérée durant les années 20 autour de l’industrie cinématographie. Elle écrit : « Il serait vain d’essayer de décrire l’état du cinéma américain pendant la guerre. C’était un continuel chassé-croisé entre les compagnies se réunissant entre elles, s’adjoignant les nouveaux venus s’ils avaient quelque valeur. »
L’intérêt enfin de ce court texte, c’est de montrer comment Alice Guy fut, avant l’heure, féministe. Et dût se « blinder » pour s’imposer dans un univers dominé par les hommes. Louis Feuillade lui confia qu’il avait été étonné de prime abord par sa froideur. Et, elle de commenter : « Jeune encore, dans un emploi où je devais faire preuve d’autorité, j’évitais toute familiarité. Avec mes amis personnels, Feuillade entre autres, pour qui j’avais une grande sympathie, je retrouvais ma vraie personnalité. Ma jeunesse et ma gaîté reprenaient vite le dessus. »
In fine, on découvre à quel point l’industrie cinématographique a pris son envol après bien des expérimentations, bien des incidents et des trucs techniques qui tenaient parfois aux bouts de ficelle. Et on peut s’interroger pour savoir quel aurait été le destin d’Alice Guy si son projet d’établir des studios de cinéma à la Victorine, à Nice, où elle vécut une dizaine d’années avec ses enfants, n’avait pas avorté.
(*) Ed. L’Imaginaire/ Gallimard
