Le roman d’un amour caché

Femme de passion, Ingrid Bergman a beaucoup de mal à vivre cet amour caché, notamment quand elle revient tourner à Los Angeles et où, quand le couple se retrouve – Capa détestant la ville dont il disait « Hollywood est le plus gros tas de merde où j’ai jamais marché« – ils doivent se méfier des journalises à scandale, ces « langues de vipère » des studios. Et elle est fascinée par le côté flambeur de Capa – qui se fait plumer au poker par de fins joueurs tels que John Huston et Humphrey Bogart- mais ne rechigne pas à se faire inviter par la célèbre actrice. « J’avais du mal à me faire à l’idée qu’un homme puisse emprunter à une femme, mais c’était si naturel de la part de Capa que j’ai changé d’avis. On partageait les dépenses et il acceptait sans problèmes que je paie. Après tout, pour lui, j’étais une actrice, j’étais riche et il avait raison. On ne cessait de rire comme si on retrouvait tous les deux une insouciance dont la guerre nous avait longtemps privés l’un et l’autre. »

Cette guerre est en permanence en toile de fond de ce récit, même quand, par le truchement de Capa, Ingrid Bergman rencontre Pablo Picasso. « Avec Lee Miller (correspondante de guerre pour « Vogue » : NDLR), ils étaient allés déjeuner dans un bistro. Picasso leur avait raconté qu’il était fasciné par la structure du visage des femmes tondues. Capa, qui les avait photographiées à Chartres, répondit qu’il avait surtout été frappé, lui, par la haine qui défigurait les visages de la foule pendant les séances de tonte. »

Par ce roman, Jean-Michel Thénard célèbre aussi la personnalité hors du commun de deux êtres qui n’ont jamais sacrifié leur désir de liberté. Ce qui, pour Ingrid Bergman, dans l’Amérique puritaine d’alors, était une preuve d’un courage certain. Et la passion vécut avec Capa l’a sans doute confortée dans l’idée de ne plus jamais se laisser dicter une conduite dans sa carrière comme dans sa vie privée.

(*) Ed. Le Seuil

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