Si Esther est enfermé dans son rôle de jeune femme juive, Elio est lui prisonnier de cette terre et de ce balcon sur la mer où son père lui a dit, avant de mourir, qu’il fallait regarder vers son domaine plutôt que vers les vagues, promesse de l’immensité d’un ailleurs vierge à découvrir. Or l’instinct de rébellion d’Esther va doucement contaminer Elio qui, pourtant, ne veut rien brusquer et fait attention à ne pas blesser ses « invités » en couvrant, dans une séquence très juste, la statue de la Vierge Marie, dans la camionnette où il fait le taxi pour ce clan si orthodoxe. Évoquant sa composition, Lou de Lâage souligne la difficulté pour les femmes de s’extirper d’un tel milieu, et ce d’autant plus qu’elles sont attachées à leur famille : « Comme, les plus pratiquants d’entre eux, sont des gens qui n’ont pas appris les codes de la vie en société – surtout les femmes -, lorsqu’ils larguent les amarres d’avec leur milieu, ils sont comme des bateaux sans gouvernail, ils vont à la dérive, encourant ce risque supplémentaire d’être rejetés par leurs proches. »
Filmant avec une grande pudeur, cette relation qui se noue, sans jamais accumuler de lieux communs, Stéphane Freiss signe un drame humain, porté par deux acteurs exprimant, chacun à leur manière, une grande sensibilité, en se servant à merveille des paysages arides et maritimes de la Calabre. Le tout dans une atmosphère musicale surprenante : outre la musique calabraise traditionnelle, surgissent, entre autres, les chants des travailleurs saisonniers géorgiens.
Stéphane Freiss réussit un équilibre difficile pour son premier long métrage qui ne manque pas de susciter émotions et réflexion.
