Jouant lui-même le cinéaste accro au tabac, alors qu’il a choisi ce village perdu pour pouvoir diriger clandestinement son film, Jafar Panahi se retrouve embringué dans une sombre histoire de tradition et de vengeance dont il devient presque l’acteur principal à son insu. En même temps, il se demande s’il soit sauter le pas et franchir illégalement la frontière pour rejoindre son équipe et prendre la poudre d’escampette notamment dans la très belle séquence nocturne dominant la ville frontalière. De plus, en mettant en parallèle les deux notions de « pouvoir » et « vouloir », à travers une histoire très réaliste, Panahi montre comment il est si difficile d’échapper au chaos qu’il découvre au jour le jour. Comme lui dit un des habitants du village : « En ville, vous avez le poids des autorités, ici, nous devons vaincre le poids des superstitions. » Si le film est politique au sens noble du mot, il repose aussi sur des scènes très justes et souvent dirigées à chaud avec les habitants du village comme celle du repas avec la logeuse ou quand le réalisateur veut le convaincre de l’utilité de sont traitement à base de plantes pour stopper la cigarette.
Mêlant les niveaux d’intrigues, passant du plateau aux décors arides du village perdu dans les montagnes iraniennes à des routes sans aucun pèlerin sauf les passeurs, Jafar Panahi signe une œuvre sombre sur la situation du pays. Les récentes répressions ne font qu’accentuer l’impression donnée par le film. Ce « message », vital pour le cinéaste, a peu de chance de plaider aux yeux du pouvoir iranien en faveur d’un homme des plus courageux, emprisonné pour une durée de six ans après avoir manifesté son opposition au sort réservé par le régime islamique aux artistes.
Pour le soutenir, la moindre des choses est de se précipiter dans les salles pour voir un film aussi audacieux que créatif.
