De fait, le terme d’asile convient parfaitement à ce lieu atypique, qui accueillit, notamment durant les heures sombres de l’Occupation, malades, médecins, réfugiés, proscrits et qui fut un lieu d’invention thérapeutique permanente, permettant notamment aux « malades » de sortir de l’institution, voire même de travailler. L’arrivée d’un médecin catalan, membre du POUM, qui avait échappé aux sbires de Franco et avait lancé des soins psychiatriques sur le front républicain, Francesc Tosquelles, a marqué un tournant dans la vie du centre : avec lui, il y eut par exemple tout un travail destiné aux enfants et qui permettait d’échapper à l’étiquette de « fou » si pratique à mettre. Ce documentaire très riche propose des extraits des films montés par ce praticien et dans lequel il a intégré des cartons explicatifs. Et l’on entend son témoignage, celui d’un passionné par ses recherches, dans plusieurs séquences.
Nourri aussi des commentaires des infirmiers en psychiatrie qui furent souvent formés sur place, Les Heures heureuses rappelle aussi que passèrent dans cet asile des figures comme Frantz Fanon, psychiatre de formation et un des fondateurs de la pensée tiers-mondiste, ou encore Paul Eluard, fasciné comme tous les surréalistes par la « folie » et sa femme Nusch, réfugiés l’hiver 1943 en ce lieu alors dirigé par leur ami médecin Lucien Bonnafé. Il y écrivit le recueil Souvenirs de la maison des fous dans lequel figure Le Cimetière des fous dans lequel il écrit :
« Les inconnus sont sortis de prison
Coiffés d’absence et déchaussés
N’ayant plus rien à espérer
Les inconnus sont morts dans la prison
Leur cimetière est un lieu sans raison.«
Au-delà même de son intérêt historique, ce documentaire, monté avec rythme et accompagné d’une belle bande originale, pose plus généralement notre rapport à l’institution psychiatrique et au regard vierge de tout préjugés porté sur les « malades ». Passionnant.
