Une mise en scène brillante. Aussi à l’aise dans l’univers confiné d’une prison militaire, dans des salles d’un anonyme glacial, que dans les paysages montagneux et désertiques magnifiques, Mohammad Rasoulof a su ruser avec un pouvoir politique omniprésent sans pour autant barguigner avec le souffle d’une mise en scène maîtrisée de bout en bout. Et pourtant, pour chaque épisode, un assistant réalisateur différent le secondait sur le plan artistique en le remplaçant sur les lieux de tournage où il ne pouvait pas être présent. Le cinéaste confie : « Ce sont les scènes à l’aéroport et en ville qui étaient plus problématiques. Les documents qui circulaient sur le plateau, comme les scénarios ou les plans de travail, étaient des faux et je me rendais méconnaissable pour pouvoir être présent. Je dois dire qu’à plusieurs reprises, nous avons eu la surprise de bénéficier de l’aide de membres de l’appareil de censure… » De son côté, son directeur photographique Ashkan Ashkani a fait un travail minutieux pour offrir à ce film long, mais qui ne le paraît jamais, une grande unité visuelle. Dans la scène rurale avec les parterres de fleurs comme dans la forêt, le résultat est absolument magnifique.

Un casting quatre étoiles. Dans de telles conditions de tournage, il fallait des comédiens impeccables pour tenir la route sur la durée et, dans les quatre histoires, ils assurent leur partition de manière splendide. Et ce d’autant plus qu’ils prenaient des risques certains comme le raconte le cinéaste : « Nous avons pris toutes les précautions dans la scène de la teinture. Ce n’est pas l’actrice qui expose sa chevelure, mais une doublure. Elle pourrait ainsi se défendre si cette scène lui était reprochée. Il ne faut pas donner de prétexte à l’appareil de censure pour qu’il puisse attaquer un film sur la forme, alors que c’est le fond qui lui pose problème. Le fait que le film ne soit pas montré en Iran ne suffit pas à rassurer les censeurs. Ce qui leur est insupportable, c’est l’audace de faire un tel film. » Bien entendu, la présence de la propre fille unique du cinéaste, qui suit un cursus pour devenir chirurgienne, dans le dernier volet qui décrit le retour d’une jeune iranienne pour passer du temps avec son père, est tout à fait émouvante dans un tel contexte. Et c’est elle qui a reçu le Lion d’or à Venise en février dernier à la place d’un père interdit de sortie à l’étranger.
Ménageant plusieurs retournements qu’il ne faut absolument pas dévoiler, Le diable n’existe pas est sans doute le meilleur film de l’année. En un mot, un petit chef d’œuvre !
