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MADRE, de Rodrigo Sorogoyen – 2h09
Avec Marta Nieto, Anne Consigny, Jules Porier, Alex Brendemühl, Frédéric Pierrot
– Sortie : 2020 –
DIffusion sur Canal +, jeudi 13, 22h50
Sur le papier, le scénario est mélodramatique en diable. L’histoire ? Dix ans se sont écoulés depuis que le fils d’Elena, alors âgé de 6 ans, a disparu. Dix ans depuis ce coup de téléphone où seul et perdu sur une plage des Landes, il lui disait qu’il ne trouvait plus son père. Aujourd’hui, Elena y vit et y travaille dans un restaurant de bord de mer. Dévastée depuis ce tragique épisode, sa vie suit son cours tant bien que mal. Jusqu’à ce jour où elle rencontre un adolescent qui lui rappelle furieusement son fils disparu…Et pourtant, dès la séquence d’ouverture, on sent que Rodrigo Sorogoyen va nous tenir en haleine jusqu’au bout, sans sombrer dans un pathos ridicule.
Il est vrai, ce plan séquence où Elena s’effondre au téléphone est éblouissant tant Marta Nieto fait montre d’un jeu magistral et parvient à nous bouleverser par les seuls changements d’intonation. Très vite, après ces instants de tension extrême, un lent fondu apparaît sur la même plage des Landes où l’enfant a disparu mais, si le temps a passé, la blessure est toujours là, prête à se ré-ouvrir à la moindre émotion… Et pour Elena, on sent que la reconstruction sera difficile, voire impossible.
Adapté son propre court-métrage était casse-gueule en diable : pourtant Rodrigo Sorogoyen y parvient de main de maître faisant glisser son histoire d’une atmosphère de thriller à un univers plus intimiste. Il racontait à la sortie du film : « Le premier grand handicap se présentait à nous. Comment satisfaire un spectateur qui voit ce court-métrage et à qui nous n’offrons pas ce qu’il attend (la résolution de cette aventure) ? En lui offrant mieux. Le défi était donc double. Après avoir passé cinq ans à travailler sur deux thrillers d’assez grande envergure […], nous avions (NDLR : avec sa productrice Maria del Puy Alvarado) tous les deux le désir de revenir à une histoire intime, de personnages »
En optant pour une utilisation du plan-séquence -pour le réalisateur, c’est l’élément cinématographique ressemblant le plus à la vie – il joue aussi sur le montage pour rythmer d’une certaine manière son récit, ce qui fait que, malgré sa longueur, le film coule sans aspérité. En prime, si Marta Nieto est magnifique dans cette histoire d’un retour à la vie rude et beau, elle est entourée par un casting impeccable et le couple de parents qui doivent « affronter » ses névroses (Anne Consigny et Frédéric Pierrot) sont d’une justesse émouvante.
Un film dont l’intensité ne faiblit jamais.

