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Hasard de la programmation, France 5 et C8 proposent deux des multiples visages de Jean Gabin. Jeune acteur en 1933 dans Le Tunnel, il campe un de ces gangsters au verbe haut dans Touchez pas au Grisbi, classique entre les classiques.
Diffusion : Le Tunnel sur France 5, le samedi 10, 23h55;
Touchez pas au Grisbi sur C8, dimanche 11, 21h05
Le Tunnel n’est pas un film très connu. Curtis Bernhardt le sort en 1933 en ayant tourné deux versions du scénario, l’une en français et l’autre en allemand -avec un casting différent – ce qui est une pratique alors courante au début du parlant. Ensuite, le cinéaste filera à Hollywood troquant son vrai prénom Kurt contre celui de Curtis.
Le pitch de ce film ? Un ingénieur Marc Allan est chargé de bâtir un tunnel sous l’Atlantique. Mais son entreprise se trouve rapidement menacée par plusieurs sabotages. Alternant les plans de foule et les focus sur les conspirations d’étranges banquiers qui rêvent de voir sombrer le titanesque chantier et permettre le sursaut du cours des actions de compagnies maritimes, Curtis Bernhardt signe une mise en scène efficace même si, sur le plan de la conspiration, il n’a pas la griffe d’un Fritz Lang. N’ayant pas encore éclaté dans le métier – ce sera dans La Belle Equipe, en 1936 – Jean Gabin, pas encore trentenaire, est encore un peu raide mais, il campe avec beaucoup de conviction cet ingénieur, tiraillé entre le capital et le prolétariat et qui laisse peu de place à son épouse esseulée, jouée par Madeleine Renaud. Entre science-fiction et drame, ce Tunnel est une curiosité à découvrir, même si le son est moyen et que l’opus a vieilli.
Changement de registre complet avec Touchez pas au grisbi, que tourna Jacques Becker en 1953. Un classique du polar. Un classique aussi de Jean Gabin qui signe une composition impeccable en gangster en imposant dans le Pigalle des années 50. Un Gabin qui n’est pas encore la caricature de lui-même. Tiré du roman de Albert Simonin, qui a co-écrit le scénario, le film est un polar de belle facture.
Max-le-menteur (Jean Gabin) et Riton viennent de réussir le coup de leur vie : voler 50 millions de francs en lingots d’or à Orly. Avec ce « grisbi », les deux gangsters comptent bien profiter d’une retraite paisible. Mais Riton ne peut s’empêcher de parler du magot à sa maîtresse Josy. L’entraîneuse transmet la précieuse information à Angelo (Lino Ventura), un trafiquant de drogue avec lequel elle trompe Riton. Angelo kidnappe le vieux truand et demande le « grisbi » à Max comme rançon…
Portant un regard original sur des truands sur le retour, ne glorifiant pas la pègre pour un sou, montrant la brutalité du milieu, Jacques Becker privilégie l’étude de caractère. Et là, Jean Gabin fait merveille, prisonnier de ce marché qui tourne au tragique. Il joue impeccablement ce quinquagénaire du Milieu qui passe d’une scène où il contemple brûler la voiture contenant les lingots à celle où il va apprendre au restaurant la mort de son ami. Un cinéma certes connu mais, qui n’a pas pris une ride et reflète de toute une époque.


