
Cinéaste et cinéphile, humaniste engagé, Bertrand Tavernier a tiré sa révérence en laissant dans son sillage des films en forme de déclarations d’amour au cinéma. Et il fut formidable quand il s’agissait de parler du cinéma des autres.
Il s’était découvert une passion pour le cinéma à l’âge de 12 ans. Une passion jamais éteinte. D’abord critique (Télérama, Les Cahiers du cinéma, Positif, Cinéma 59-60…), puis attaché de presse (de Stanley Kubrick notamment), Bertrand Tavernier était devenu réalisateur en 1974. Et il n’avait jamais cessé de tourner dans tous les genres : le polar (L.627), l’histoire (Que la fête commence), la guerre (Capitaine Conan), le drame (La vie et rien d’autre), le film de genre (La Fille de d’Artagnan)…
Né en 1941 à Lyon, la ville des frères Lumières, Bertrand Tavernier était le fils d’un résistant et écrivain, qui publia Eluard et Aragon. Ayant grandi dans un milieu culturel, pétri d’humanité, le futur cinéaste en nourrira comme en écho ses films. Véritable mémoire du cinéma, aimant aussi bien les auteurs plus intellos que les réalisateurs populaires – c’était un fan du cinéaste italien Ricardo Freda par exemple, auquel il fera appel pour l’assister sur La Passion Béatrice en 1987 – il avait formé avec Philippe Noiret un couple de cinéma, tournant avec lui six films : du splendide Le Juge et l’Assassin en 1976 (qui valut un César à un Michel Galabru méconnaissable) à La Fille de d’Artagnan en 1994.
Le style de Tavernier consiste à aborder des sujets graves sans se départir d’une forme d’humour et d’ironie (sauf, sans doute, dans La Vie et rien d’autre, dont je reparlerai sous peu). L’homme sait aussi cultiver les atmosphères nostalgiques comme le prouve un opus tel que Un dimanche à la campagne, une évocation d’un après-midi en famille à la Belle-Epoque, qui offre des résonances avec l’univers d’un Jean Renoir, que Tavernier aime infiniment.
Homme d’images mais aussi homme de mots, il avait signé un ouvrage de référence en 1991 : 50 ans de cinéma américain, aujourd’hui épuisé, et dont il vient de terminer une suite. Sa dernière fiction fut une comédie politique : il avait adapté la bande dessinée Quai d’Orsay, de Antonin Baudry et Christophe Blain, film dans lequel Thierry Lhermitte jouait un Premier ministre en tout point odieux.
Il faudrait encore évoquer son remarquable documentaire, sorti en 2016, Voyage à travers le cinéma français : un film de 3h15 qui compile 594 extraits couvrant 94 longs métrages. Tavernier, un vrai monsieur Cinéma qui vient aujourd’hui de faire retentir le clap de fin…
