Trois fois primé au Festival de Deauville mais, victime d’une programmation en pleine crise de la Covid-19, The Nest, de Sean Durkin, débarque en premier exclusivité sur Canal +. L’occasion de retrouver Jude Law au sommet de son art dans une critique de la société libérale.
Diffusion : mardi 9, 21h10 sur Canal +
Dans les années 1980, Rory, un ancien courtier devenu un ambitieux entrepreneur, convainc Allison, son épouse américaine, et leurs deux enfants de quitter le confort d’une banlieue cossue des États-Unis pour s’installer en Angleterre, son pays de naissance.
Persuadé d’y faire fortune, Rory loue un vieux manoir en pleine campagne où sa femme pourra continuer à monter à cheval. Mais l’espoir d’un lucratif nouveau départ s’évanouit rapidement et l’isolement fissure peu à peu l’équilibre familial.
Supporté par une mise en scène splendide, ce thriller d’atmosphère est un portrait cruel d’une société libérale où, derrière l’image glamour, le mythe de la réussite, on découvre un parfum de désillusion et de névroses. L’occasion pour Jude Law de signer une composition parfaire d’un « winner » de la finance, un père et mari attentionné, qui voit sa vie lui échapper. Pour le comédien, ce film était le moyen de revenir en pleine lumière. De fait, après avoir été révélé par son rôle de play-boy cynique dans Le Talentueux M. Ripley, si Jude Law a beaucoup tourné, il n’a pas toujours trouvé les rôles à sa mesure ni misé sur les bons chevaux.
Ainsi on l’a vu à l’affiche de deux films de Scorcese qui ne sont pas les meilleurs de sa filmographie et ne vont pas cartonner : Aviator et Hugo Cabret. Et quand il a tourné avec David Cronenberg dans eXistenZ ou avec le grand Terry Gillian dans L’Imaginarium du Dr Parnassus, ce sont des bides. Entre autres.
Mais l’acteur a de la ressource et le prouve dans ce film où il campe un hâbleur pathétique face à sa femme, jouée par Carrie Coon, parfaite dans la peau de cette mère qui sombre et se réfugie dans sa passion pour les chevaux. De fait, Jude Law mérite mieux que de jouer le mannequin pour les pubs Dior, comme il le fit entre 2008 et 2012, sans doute pour compenser des succès moindres sur grand écran.
Interrogé dans les colonnes de L’Obs, il reconnaît que l’âge va peut-être lui ouvrir de nouvelles portes : « Or vieillir, prendre de la bouteille, stimule davantage l’imaginaire des cinéastes et des auteurs. On ne vient plus vous chercher pour être juste beau et attirant : les personnages qu’on vous propose importent plus que votre apparence. » Magnifique et émouvant, The Nest sera peut-être, avec le recul, un film-charnière dans la carrière du héros de la série de Paolo Sorrentino, The Young Pope qui marquait son retour en grâce de l’artiste.
