JEAN-CLAUDE CARRIÈRE : MORT D’UN CONTEUR GÉNIAL

Conteur, scénariste, auteur… N’en jetez plus ! Grand complice de Luis Buñuel, Jean-Claude Carrière a tiré sa révérence dans une époque qui aurait pu lui inspirer bien des histoires surréalistes et irrévencieuses.

Mort le lundi 8 février à l’âge de 89, Jean-Claude Carrière était un auteur au long cours aussi à l’aise pour écrire un scénario avec Luis Buñuel,Pierre Étaix que pour peaufiner un roman, une chanson. Sans oublier le théâtre. Il avait une culture très XVIIIème siècle, celle de l’honnête homme, doté d’une culture exceptionnelle et la faisant partager. Chez lui, le savoir n’était jamais synonyme de prétention. Il se définissait joliment comme un« encyclopédiste au temps des frères Lumière».

De ses origines modestes – il était né à Colombières-sur-Orb dans l’Hérault, dans une famille de viticulteurs habitant une ferme sans eau courante, un milieu sans livres et sans images (il a raconté son enfance dans Le Vin bourru) – Jean-Claude Carrière avait gardé ce goût des gens et des contacts simples et directs. Le sens des contes que l’on se raconte le soir. Sa vie durant, malgré le succès et les honneurs, il est resté un passeur, un curieux. Son ambition ? « Pouvoir tout dire à tout le monde ». Très tôt, après des études de lettres et d’histoire, il s’était lancé dans l’écriture et avait publié son premier roman en 1957 : Lézard. ll a signé ensuite plusieurs romans d’épouvante au Fleuve noir, sous le pseudonyme Benoît Becker. La suite passe par la case cinéma.

Mais, par où commencer ? Par Pierre Étaix, Jacques Tati ou Luis Buñuel ? C’est avec le grand cinéaste espagnol, aussi révolté que lui et anticlérical, Jean-Claude Carrière a connu une longue amitié et signé de grands scénarios. Entre eux, tout démarra en 1964 : cela durera dix-neuf ans. Ensemble, ils ont adapté Le Journal d’une femme de chambre, d’Octave Mirbeau et travaillé sur cinq autres de ses films, dont deux des plus célèbres du réalisateur : Belle de jour, adapté d’un roman de Joseph Kessel, et Le Charme discret de la bourgeoisie.

Mais, il faudrait encore parler de Jacques Deray, La Piscine (1969) et Borsalino (1970) ou de son travail avec  Miloš Forman, notamment sur le film Valmont, pour  Les Liaisons dangereuses. C’est en 1983, qu’il reçut le César du meilleur scénario pour Le Retour de Martin Guerre et en 2015, ce fut un Oscar d’honneur amplement mérité.

Avec une soixantaine de scénarios ainsi qu’environ 80 ouvrages (récits, essais, comme ses Dictionnaires amoureux de l’Inde et du Mexique, fictions, scénarios, entretiens), cet homme de lettres fut aussi  acteur, dramaturge et parolier pour Juliette Gréco, Brigitte Bardot, Jeanne Moreau ou encore Françoise Fabian. Toujours un lien avec le cinéma.

Un homme de passion, fasciné par l’Inde, qui a écrit comme il respirait.

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