PATRICE CHÉREAU : RACONTER L’HISTOIRE

Homme de la scène majeur dans le théâtre, l’opéra et le cinéma français de la fin du XXe siècle, Patrice Chéreau, disparu en octobre 2013, fut un défricheur audacieux. Dans Patrice Chéreau, l’intranquille (*), Dominique Goy-Blanquet revisite le travail de l’artiste en évoquant sa passion pour Shakespeare.

Pour aborder une œuvre aussi audacieuse que celle d’un Patrice Chéreau, trouver un fil directeur n’est pas si aisé. Dominique Goy-Blanquet y parvient pourtant en structurant son approche autour de Shakespeare, un des rares auteurs « anciens » que le metteur en scène et comédien aborda tout au long de sa vie comme un fil directeur, lui qui ne prisait guère le théâtre dit classique, lui qui se méfiait du vieil alexandrin, même s’il monta, par exemple, une remarquable Phèdre.

En s’entourant de deux familiers de Chéreau – le scénographe Richard Peduzzi pour la préface et le directeur de théâtre François Regnault pour la postface, la professeure Dominique Goy-Blanquet réussit la gageure d’analyser son travail scénographique de façon précise et savante, sans pour autant signer une thèse.

Avec Shakespeare, auteur « populaire mais pas révolutionnaire » comme le souligne l’auteure, Chéreau, qui se méfie du théâtre « fossilisé » trouve un terreau pour évoquer ces temps de l’Histoire où, à travers des transitions violentes, un nouveau monde va émerger. On retrouve pareil souci dans sa manière concevoir la tragédie de la Saint-Barthélémy, aussi bien au théâtre (dans Le Massacre de Paris de Christopher Marlowe) qu’au cinéma avec sa mise en scène blafarde et grandiose de La Reine Margot, en 1994.

Pour Patrice Chéreau, comme le détaille avec finesse ce livre, l’histoire  est une source inépuisable de recherches scéniques et scénographiques, ce qui lui valut parfois des critiques offusquées. L’auteure souligne : « Car ce qui l’attire en priorité, ce sont des œuvres qui lui permettent de raconter en quelques heures l’histoire de toute une vie humaine, l’histoire de l’humanité et l’histoire du théâtre. »

Puisant à toutes les sources, aussi bien fasciné par Visconti, Orson Welles que Starobinski, Chéreau apparaît comme un créateur en perpétuel mouvement, qui, au fil d’expériences multiples -de ses débuts avec la bande du Groupe théâtral du lycée Louis)le-Grand  à la direction des Amandiers, en passant par l’expérience italienne –  n’a jamais cessé d’oser, de trancher, de faire des choix audacieux, poussant ceux qui l’accompagnaient, sur scène comme en coulisses, à se dépasser pour atteindre le cœur d’un texte et « bien raconter l’histoire. » L’auteure note encore : « Sa direction électrique, presque animale des acteurs était une fascinante « non-méthode ». De quelle partie de lui, cerveau, cœur, chair, émanient ses instructions, c’était impossible à dire. »

Avec une vie marquée par « une recherche inlassable« , pour reprendre la formule de François Regnault, cet artiste et homme pressé n’a jamais cessé d’explorer tous les modes d’expression.

(*) Ed Riveneuve 

Patrice Chéreau – « Être le Passeur » f

 

 

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