PATRIMOINE
QU’EST-IL ARRIVÉ À BABY JANE ?, de Robert Aldrich – 2H14
Avec Bette Davis, Joan Crawford, Victor Buono
Sortie : mai 1963
VIsionner Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?, c’est prendre une belle claque. Robert Aldrich signe un drame avec le cinéma et le monde des stars en toile de fond. L’histoire est forte. Au temps du cinéma muet, « Baby » Jane « Bette Davis) est une grande star, une des premières enfants prodiges. Sa sœur Blanche (Joan Crawford), timide et réservée, reste dans l’ombre. Dans les années 30, les rôles sont inversés, Blanche est une grande vedette, Jane est oubliée. Désormais, bien des années après, elles vivent en commun une double névrose. Blanche, victime d’un mystérieux accident, est infirme et semble tout accepter d’une sœur transformée en infirmière sadique qui multiplie les mauvais traitements…
Jouant sur le huit-clos d’un manoir, cadre classique du film d’épouvante, Robert Aldrich signe surtout une évocation des crises de la vie des stars et des coulisses d’Hollywood. La presse d’alors ne s’y trompa pas qui se demanda quel choc pouvait produire la rencontre sur un plateau de deux égéries des studios Warner pendant plusieurs années et qui ne s’aimaient guère. Le cinéaste déclara à l’époque : » À en juger par les premières réactions de la Presse à l’annonce du projet, je ne savais pas très bien si j’allais produire et réaliser un film, ou bien me contenter d’arbitrer un combat de boxe », avant de dire à ses deux actrices « la Presse ne sait pas à quoi s’en tenir avec toute l’électricité que vous générez »
Il est vrai, rien n’était simple dès le départ car les deux comédiennes avaient, chacune, son directeur de la photographie fétiche. Habile dans son choix, Aldrich proposa Ernest Haller qui avait été directeur de la photo de L’Intruse et L’Insoumise, qui valurent l’Oscar de la meilleure actrice à Bette Davis, comme il le fut sur Le Roman de Mildred Pierce, qui avait permis à Joan Crawford de remporter aussi « son » Oscar. Balle au centre !
Ce qui n’empêcha pas des tensions sur le plateau, y compris dans les scènes du film même
si Bette Davis déclara non sans mauvaise foi : « Les querelles sont toujours entre un acteur et une actrice, rarement entre deux femmes. Les femmes sont trop intelligentes pour se quereller ensemble. » Enfin, dans la course aux Oscars – Bette Davis y était nominé pour la neuvième fois – Joan Crawford n’hésita pas à organiser une campagne de dénigrement contre elle.
Qu’importe les tensions ! Magnifiquement réalisé, ce film est un petit chef d’œuvre. Pour la petite histoire, les deux scènes de films tournés par Baby Jane une fois adulte sont tirés de vrais films tournés par Bette Davis, que ce soit Parachute Jumper et Ex-Lady, tournés en 1933. Et portant une perruque (naguère arborée par Joan Crawford mais ajustée à sa tête) et arborant un maquillage terrifiant, Bette Davis, jouant sur une démarche de vieille actrice folle et alcoolique, est magistrale.
