LE CINÉASTE DE LA LÉGÈRETÉ

Philippe de Broca – Un monsieur de comédie (*), signé Philippe Sichler et Laurent Benyayer, rend hommage à un as de la comédie populaire disparu en 2004. il était grand temps de le faire, tant en trente long métrages, ce réalisateur a marqué l’écran noir de nos mémoires.

C’est un « beau livre« , comme on le dit chez les librairies. Le genre d’opus que l’on publie juste avant les fêtes en espérant que le confinement ne bloquera pas les acheteurs. Car ce fils d’un industriel du cinéma et petit-fils d’Alexis de Broca, un peintre d’un certain renom, méritait bien que d’aucuns reviennent sur une filmographie riche et  sur sa singulière griffe . Dans la préface, Cédric Klapisch note avec justesse : « Peu de réalisateurs ont autant réussi à mettre de la grandeur dans la légèreté. » De Broca a d’ailleurs poussé ce sens de la légèreté jusque dans la mort puisque sur sa tombe, il a fait inscrire l’épitaphe suivante :  » J’ai assez ri »…

L’homme, il est vrai, a signé bien des films à grand spectacle, d’aventures, de cape et d’épée : de L’Homme de Rio au Magnifique en passant par Cartouche (photo ci-contre), et son final étrange avec l’enterrement poétique et sombre dans le  carrosse, pour un  tel film de genre, Le Cavaleur en passant par Le Bossu. Ouvrant cette lecture, celui qui fut un de ses acteurs fétiches, Jean-Paul Belmondo, note fort-à-propos : « Les horreurs de la Guerre d’Algérie lui avaient révélé un versant sombre de l’humanité… et lui avaient inoculé un antimilitarisme viscéral. Son âme d’enfant, son refus de grandir, son goût de la transgression, sa fantaisie naturelle étaient un pied de nez à ses démons. Une façon de diluer la noirceur et l’angoisse qui le suivaient, deuxièmes ombres de lui-même. « Amuse-toi, cela empêche de mourir ! » lance Vénus à Cartouche. »La photo qui orne la couverture du présent volume est symbolique d’un homme en mouvement et qui aimait filmer le mouvement, la course contre le temps qui avance inexorable. Des films comme Les Tribulations d’un Chinois en Chine témoignent de cette vitalité qui font partie des gênes du cinéaste et, de rebondissement en rebondissement, cette aventure d’un milliardaire blasé nous entraîne dans un récit mené tambour battant.

De lui, François Truffaut notait encore : « Philippe de Broca a bien raison de ne jamais filmer ses personnages assis ou couchés mais cavalcadant à dix-huit images seconde, toujours en poursuite, toujours en fuite pour échapper à la pesanteur du monde moderne. » Pas étonnant alors qu’un comédien physique comme Belmondo ait si souvent tourné avec ce cinéaste qui disait encore : « La vie n’existe que par le mouvement. »

Homme qui aimait les femmes – les personnages de ses films ne sont  au demeurant pas des potiches-  Philippe de Broca était aussi, comme le raconte cette biographie, un passionné de jardins et ne prisait guère la ville. Dans sa maison-refuge de Vert, proche de Mantes-la-Jolie, il pouvait cogiter à ses films tout en cultivant son jardin. « « Dans sa maison de Vert (…), on parlait d’astronomie, de voyages,de botanique, mais jamais de cinéma » témoigne Henri Lanoë, ami et fidèle collaborateur depuis Les Caprices de Marie, tourné l’été 1969 : il sera notamment le monteur de tous ses films, en alternance avec Françoise Javet.

Riche en témoignages – quatre scénaristes et dialoguistes comme Daniel Boulanger ou Jean-Loup Dabadie évoquent l’artiste – cette biographie solide, comportant aussi quelques extraits de la correspondance du cinéaste, et de nombreuses photos inédites, montre la richesse de la filmographie d’un artiste au demeurant plus complexe que son cinéma ne le laissait apparaître. Il préférait diffuser une certaine joie de vivre et avait d’ailleurs prévenu son monde en lançant : « Le rire est la meilleure défense contre les drames de la vie. »

(*) Neva Éditions

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