Disparu il y a cinquante ans, Bourvil demeure une des figures du cinéma français, capable d’émouvoir comme de faire rire aux éclats. Le coffret Bourvil – Anthologie 1955-1962 (*) témoigne du talent d’interprète de l’artiste qui a su jouer sur les mêmes registres dans ses compositions sur grand écran.
Lorsque Bourvil est emporté par la maladie le 23 septembre 1970, la France salue le comédien qui a surpris son monde dans Le Cercle rouge, de Jean-Pierre Melville qui lui offrit un rôle à la hauteur de son talent.
Pourtant, Bourvil avait aussi fortement marqué la scène et pas seulement avec quelques classiques comme C’était bien ( Le Petit Bal perdu), Salade de fruits… Le coffret Bourvil – Anthologie 1955-1962(*) offre à cet égard une photographie du chanteur-comédien à un tournant de sa carrière. Car, au sortir de la guerre, Bourvil a mené de pair une carrière de chanteur de music-hall et d’opérette et celle de comédien. Dès 1946, il a tourné dans Pas si bête, enchaînant au début des années avec Le Roi Pandore ou encore Le Rosier de Madame Husson.
Dans les premières chansons de ce coffret, on mesure comment Bourvil est passé, au milieu des années 50, d’un registre humoristique à un répertoire plus sérieux et poétique comme dans la très belle Berceuse à Frédéric ou Monsieur Balzac, et ses couplets inattendus. Sans oublier une chanson jazz comme La Morte Saison (G. Coulonges/ Max Fontenoy). Et bien sûr, il y a La Ballade Irlandaise dont le succès en 1958 fait définitivement comprendre à Bourvil qu’on l’attend aussi dans ce registre.
Car, tout en tournant beaucoup, Bourvil n’a jamais coupé les ponts avec la scène et l’opérette. Et, bien sûr, le coffret offre ces duos avec Pierrette Bruno, une jeune artiste avec lequel Bourvil entama une collaboration musicale où l’humour est loin d’être absent (Alors qu’est-ce qu’on fait
?), mais pas que ! On peut le mesurer dans Je t’aime bien. Pierrette Bruno, Bourvil l’avait personnellement choisie pour être sa partenaire dans Pacifico au théâtre de la Porte Saint-Martin, en 1958. Elle va même le rejoindre sur le tournage du Capitan, de André Hunebelle où elle interprète Pour se parler d’amour. Bien des duos marquèrent leur amitié qu’une certaine presse transforma en relation plus « sérieuse », ce que nia toujours Bourvil en bloc, sans pour autant cesser de travailler avec sa partenaire.
Sans jamais renier une veine comique – avec des chansons comme la très réussie Tatane– se jouant de bien des rythmes, Bourvil va continuer à alterner le sérieux et le léger. Même si, à compter de 1963, cinéma oblige et films classiques tournés avec Louis de Funès oblige, il va moins se préoccuper de sa carrière de chanteur, cartonnant de film en film. Il n’oubliera pas non plus son sens de l’humour dont il fera montre jusqu’au bout, notamment en parodiant deux titres de Gainsbourg en compagnie de Jacqueline Maillan en 1970. Une bande le montre d’ailleurs refaisant la dernière séquence tournée du Cercle rouge, à l’atmosphère dramatique où pour bluffer son monde, chanter La Tactique du gendarme. Histoire de montrer qu’il pouvait être dramatique sans se prendre au sérieux.
Bourvil, ou le symbole d’un artiste formé à l’ancienne, à la manière d’un Montand, et qui a construit son style sur les planches.
(*) Disques Frémeaux & Associés
