ADIEU AU COMÉDIEN-PÈLERIN

HOMMAGE

Il avait une voix aussi caressante au timbre profond qu’une personnalité étrange. Michael Lonsdale vient de disparaître à l’âge de 89 ans. Retour sur un parcours atypique.

Michael Lonsdale a prêté sa haute silhouette aussi bien à  l’univers surréaliste de Luis Buñuel  (Le Fantôme de la liberté) qu’à un James Bond ( le savoureux méchant dans Moonraker). Acteur insaisissable, nourri d’une foi profonde, Michael Lonsdale avait une qualité rare : savoir servir aussi bien les cinéastes les plus pointus que les réalisateurs populaires comme Edouard Molinaro. Il n’était pas un homme des chapelles, mais un artisan consciencieux et inspiré qui prenait tous les risques sans jamais élever la voix. Cette voix au timbre singulier qui va manquer au cinéma français.

Les hommes de foi correspondait bien à un comédien qui croyait sans faire de la religion un étendard, lui qui s’était converti à 22 ans,  mais qui pouvait aussi oser des registres que d’autres pouvaient juger scandaleux. Ainsi dans Le Fantôme de la liberté, il n’avait pas hésité à jouer un prêtre sado-maso.

Né à Paris en 1931, Michael Lonsdale était d’origine franco-britannique et il avait commencé comme animateur d’émissions enfantines en 1943 au Maroc. De retour en France en 1946, c’est Roger Blin qui repère ce grand gaillard et  l’initie à l’art dramatique.



Grâce à François Truffaut, Michael Lonsdale devient familier du grand public. Ensemble, ils vont tourner La mariée était en noir (1967) avec Michel Bouquet et Jeanne Moreau; Baisers volés en 1968. C’est dans ce troisième volet de la saga mettant en scène Antoine Doinel, avec Jean-Pierre Léaud, qu’il campe avec gourmandise, en mari de Delphine Seyrig, un snob prétentieux et odieux.

Au théâtre, Michael Lonsdale préférait les auteurs contemporains, tel Dürrenmatt, Beckett ou Ionesco : il avait signé lui-même quelques belles mises en scène jusqu’en 2016, à un âge où d’autres préfèrent cultiver leur jardin.

Avec le recul, on mesure combien un acteur de cette carrure pouvait se faire remarquer, même par de courtes apparitions. Indéniablement, sa prestation dans Des hommes et des dieux, en 2010, qui retraçait l’enlèvement avant l’assassinat en 1996 en Algérie des sept moines de Tibhirine, restera un des sommets de sa carrière. Elle lui permit de récolter – enfin !- le César du meilleur second rôle, ce qui lui donnera l’occasion de signer une prestation bourrée d’humour anglais.

S’il avait un peu ralenti son rythme de travail, Michael Lonsdale tournait encore : l’an dernier, il avait joué dans le court métrage pour l’Opéra de Paris Degas et Moi, d’Arnaud des Pallières.

Un homme élégant et un artiste de grand talent vient de nous quitter.

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