UNE HÉROÏNE INTEMPORELLE…

ANTIGONE, de Sophie Deraspe – 1h49

Avec Nahéma Ricci, Hakim Brahimi, Rawad El-Zein

Sortie : mercredi   2 septembre  2020

Mon avis : 4 sur 5

Le pitch ?

Antigone est une adolescente brillante au parcours sans accroc. En aidant son frère à s’évader de prison, elle agit au nom de sa propre justice, celle de l’amour et la solidarité.
Désormais en marge de la loi des hommes, Antigone devient l’héroïne de toute une génération et pour les autorités, le symbole d’une rébellion à canaliser…

Ce qui touche dans le film ?

Le drame de Sophocle a ceci de fascinant que l’histoire supporte les transcriptions. Dans cette version moderne, avec des migrants installés au Québec, Sophie Deraspe a eu la main heureuse en racontant les combats de cette jeune fille qui se sacrifie pour sauver son frère, un petit délinquant, qui a eu le malheur réagir quand son frère aîné est tué lors d’une intervention policière en forme de bavure. Sophie Deraspe souligne : « J’ai voulu faire vivre à notre époque et dans le cadre social de nos villes occidentales, l’intégrité d’Antigone, son sens de la justice et sa capacité d’amour. J’ai voulu aussi qu’Antigone demeure très jeune(16 ans) et menue physiquement, afin de faire ressortir la force intérieure de celle qui oppose ses valeurs personnelles aux lois officielles des hommes. »

Dans ce conte réaliste et social, la cinéaste montre bien comment cette famille contrainte à l’exil dans ce pays d’origine où la jeune Antigone a connu l’horreur, l’individu peut, au nom d’une certaine conception de l’honneur se lever face à toute autorité. À cet égard, la séquence du tribunal où Antigone refuse de se soumettre est d’une grande force et symbolise cette puissance de rébellion. Côté réalisation, Sophie Deraspe parvient à signer un film étrange ou, au côté de moments d’un grand réalisme – la séquence de la bavure, celle de l’institut pour les jeunes délinquantes – il y a des séquences ressemblant à des clips et moments presque d’onirisme comme celui marquant la rencontre d’Antigone avec la psychiatre aveugle, nommée Térésa, et où l’échange permet de comprendre ce qui motive au plus profond d’elle cette jeune fille à la détermination sans failles.

Cette jeune fille est admirablement campée par Nahéma Ricci, âgée de 21 ans, qui décroche ici son premier grand rôle, après un casting de près de 300 personnes. On ne peut qu’être sous le charme du jeu d’une extrême finesse de cette jeune comédienne capable, en un instant, de passer d’une douceur presque angélique à des accents d’une révolte profonde, sauvage. Malgré son physique frêle, on la sent capable d’aller jusqu’au bout de son combat, sans jamais baisser la garde.

Cet Antigone moderne est un film coup de poing, porté par une mise en scène qui a vraiment une armature visuelle solide.

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