PAROLES DE BANDITS, de Jean Boiron-Lajous – 1h30
Documentaire
Sortie : mercredi 18 décembre 2019
Mon avis : 3 sur 5
Le pitch ?
Depuis la fermeture de la frontière entre la France et l’Italie en 2015, la vallée de la Roya est devenue le symbole de l’insoumission. Les migrants bloqués à Vintimille continuent de passer en déjouant barrages et contrôles, aidés par certains habitants de la vallée. Dans cette enclave où des migrants espèrent atteindre un avenir meilleur, la solidarité des habitants est devenue un acte de résistance. À travers le récit de celles et ceux qui sont dans l’illégalité pour faire respecter des droits fondamentaux, Paroles de bandits raconte l’histoire de ce territoire et de tant d’autres…
Pourquoi y aller ?
Il y avait chez Jean Boiron-Lajous une vieille interrogation sur les frontières et les migrations. Tout naturellement, il s’est alors plongé dans les combats menés par des habitants dans la vallée de la Roya, devenue depuis 2015, un lieu de révolte des citoyens face au sort réservé à des migrants. Le cinéaste souligne : « Au départ, je voulais uniquement filmer un passage, et voir ce qui pouvait s’y produire, s’y partager. Rapidement, je me suis rendu compte que tout était plus complexe, et qu’il fallait d’abord prendre le temps de rencontrer les gens là-bas et de gagner leur confiance.C’est justement la particularité de ce territoire qui m’a paru intéressant. Beaucoup de gens m’ont signifié que, selon eux, la situation était avant tout géographique : la vallée est une enclave, et c’est parce que ces gens vivent là et sont confrontés à la particularité géographique de leur lieu de vie qu’ils se sont engagés. J’ai alors compris que la vallée de la Roya était un lieu symptomatique de ce qui se passe dans les zones de frontières européennes. »
Car, comme le dit un des témoins, bloquer le passage dans une telle région escarpée est impossible et donc, les migrants trouveront toujours un moyen pour passer et tenter de gagner un monde moins hostile que celui de leurs origines.Avec un titre ironique face aux moyens répressifs déployés, ce documentaire qui donne la part belle aux témoignages de ses habitants qui se rebellent pour montrer comment les autorités agissent parfois de manière illégale comme lorsque, bravant la loi, les forces de l’ordre ont discrètement ramené des mineurs en Italie.
Si les révoltés de la vallée de la Roya ont pris le visage de Cédric Herrou – que l’on voit dans ce
documentaire montrer les « armes » (les pauvres effets des migrants) que la police a cherchées en mettant à sac sa maison – on mesure ici qu’il n’est pas isolé dans ses luttes et bien d’autres citoyens anonymes sont entrés en résistance au nom d’une certaine idée des droits humains. Quitte à se heurter à des règlements absurdes : en France par exemple, on peut les héberger, les nourrir mais pas les transporter. Quant à l’Italie, le maire de Vintimille a, par un arrêté, interdit des leur donner de quoi se substanter.
Après Libre, de Michel Toesca, en 2018, le portrait de Cédric Herrou, Paroles de Bandits est donc un nouveau document pour tenter de briser le mur de silence médiatique autour de ce que nous osons tolérer du côté de la frontière italienne avec une politique aussi inhumaine que dérisoire. On ne peut qu’être touché par les propos et les actes de ces citoyens anonymes. Et par le discours final d’un migrant qui nous interpelle, face à la caméra.
Et maintenant le bonus DVD
Le film est désormais disponible en DVD. Outre le documentaire, figurent dans les bonus l’interview du réalisateur, la bande-annonce, et un autre moyen métrage de Jean Boiron-Lajoux : Plus t’appuies, moins j’ai mal. Datant de 2018, ce film ne manque pas d’intérêt : Billie et Coco, graines de zadistes, hors-la-loi à huit ans, vivent en autonomie dans une forêt où les pouvoirs publics interdisent la construction de cabanes. Jamais à l’abri de la découverte de leur repaire par les Grand Méchants CRS et leur bulldozer, ils construisent au jour le jour leur utopie du soin mutuel et de l’échappée belle, entre maladies qui ne tuent pas et rendent plus forts, et transes filmées au ralenti et rythmées par la bande-son pop.
(*) Les Alchimistes
