LE DÉSIR SELON LATTUADA

LES ADOLESCENTES,  de Alberto Lattuada – 1h30

Avec Catherine Spaak, Christian Marquand, Jean Sorel

Sortie (version restaurée)  mercredi 29 juillet 2020

Mon avis : 4 sur 5

 

Le pitch ?

Une jeune fille de bonne famille, Francesca, dix-sept ans, se réveille un matin consciente de son attirance pour Enrico, un architecte qui a vingt ans de plus qu’elle. Une attirance qui va hanter cette journée d’été au cours de laquelle la jeune fille, de rencontres en rencontres, va décider de ne pas résister à l’appel de la vie adulte. Au risque de subir une douce désillusion…

Ce qui touche dans ce film ?

Dès la première séquence – celui d’une adolescente dans sa chemise de nuit qui se réveille de rêves érotiques – on comprend pourquoi le film de Lattuada a pu choquer la censure dans l’Italie prude et corsetée des années 60. D’autant plus que la jeune fille préfère, au lieu de suivre ses cours, aller voir l’homme qu’elle aime – un architecte cultivé campé avec finesse par Christian Marquand) pour lui dire son désir de découvrir l’amour charnel en sa compagnie.

La suivant toute une journée à Rome, dont le cinéaste utilise magnifiquement le cadre dans une réalisation où le noir et blanc prend toute sa mesure,  la caméra prend un malin plaisir à fixer le visage de la jeune fille pour tente de découvrir ses sentiments les plus profonds, la confusion de ses sentiments.

Si Lattuada est un cinéaste de la chair et du péché, il aborde de manière très subtile la sexualité des adolescentes dans cette Italie corsetée et dominée par la morale chrétienne. Jouant sur le contraste entre un monde des adultes, décrit par le cinéaste comme un brin hystérique, et celui de cette jeunesse dorée, insouciante, Lattuada promène un regard mélancolique sur cette carte du tendre en devenir. À cet égard, la séquence de la course de voitures durant laquelle Francesca fait croire à son frère qu’il y a un raccourci pour le perdre et prendre le temps de confidences complices prend tout son sens. Et, à plusieurs moments, il a introduit dans ses dialogues des propos de Giacomo Leopardi, poète et philosophe qui a peint avec des mots sombres la fragile condition humaine.

Opus sur les premiers désirs amoureux, ce film intimiste est d’une belle subtilité et garde, des années après, toute sa force suggestive. De son film, le cinéaste disait :   « Les Adolescentes était peut-être encore plus dangereux et révolutionnaire, puisqu’il abordait ouvertement le problème de l’éducation sexuelle des jeunes. La censure n’a pas été tendre, non pas tant parce que l’héroïne avait perdu sa virginité, mais parce que, comme elle ne considérait pas que ce fut une grave faute, elle n’en éprouvait pas de remords. »


Trois ans plus tôt, Alberto Lattuada sortait Guendalina, avec Jacqueline Sassard et Raf Vallone. Autre film que l’on peut retrouver en version restaurée cette semaine.

Avec Guendalina, il est encore question des désirs adolescents. À Viareggio, en Toscane, l’été touche à sa fin : Guendalina, jeune adolescente de quinze ans, flirte avec Oberdan, le fils du maître-nageur, sans grande conviction et surtout pour dissiper son ennui. Ses parents milliardaires s’apprêtent, quant à eux, à divorcer..

On y retrouve des idées et des thèmes qu’Alberto Lattuada poussera plus loin avec Les Adolescentes, bien sûr, mais aussi La Novice. Ici, le divorce de ses parents, et les tensions qui s’ensuivent, vont entraver l’épanouissement du premier amour de la jeune fille.

Une fois encore, on repère la manière si particulière et subtile dont Lattuada filme le corps féminin et saisit la l’image le moment d’hésitation entre pulsions érotiques et candeur de l’adolescence. C’est particulièrement vrai dans la séquence où le cinéaste film les jeunes filles à vélo, captant les courbes de leurs formes, alors que ces adolescents en sont encore à des jeux plutôt enfantins : ainsi, les garçons s’amusent, tout en roulant, à décoiffer les filles.

Une fois encore, ce récit d’apprentissage et de passage à l’âge adulte n’est pas sans susciter une certaine mélancolie.

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