MADRE, de Rodrigo Sorogoyen – 2h09
Avec Marta Nieto, Jules Porier, Alex Brendemühl, Anne Consigny, Frédéric Pierrot
Sortie : mercredi 22 juillet 2020
Mon avis : 4 sur 5
Le pitch ?
Dix ans se sont écoulés depuis que le fils d’Elena, alors âgé de 6 ans, a disparu. Dix ans depuis ce coup de téléphone où seul et perdu sur une plage des Landes, il lui disait qu’il ne trouvait plus son père. Aujourd’hui, Elena y vit et y travaille dans un restaurant de bord de mer. Dévastée depuis ce tragique épisode, sa vie suit son cours tant bien que mal. Jusqu’à ce jour où elle rencontre un adolescent qui lui rappelle furieusement son fils disparu…
Ce qui touche dans ce film ?
Adapté du court métrage éponyme, sélectionné dans de nombreux festivals et nommé aux Oscars, Madre raconte ce qui se passe dix ans après l’action initiale du court. Après deux films noirs remarquables – Que Dios Nos Perdone et El Reino – Rodrigo Sorogoyen opte pour un ton plus intimiste et une histoire qui prend le temps de s’installer pour raconter les fêlures d’une femme brisée par le choc passé et qui tente de se reconstruire loin des lieux du drame. Pour autant, elle n’est pas folle comme tient à le souligner le cinéaste : « Quand on a commencé à évoquer l’histoire du personnage d’Elena, je me souviens qu’on parlait d’elle comme si elle était folle. Grave erreur de notre part. Au-delà du fait que ce terme devrait être utilisé avec beaucoup de précaution et de respect, voire simplement ne pas être employé, l’utiliser pour notre personnage nous éloignait irrémédiablement d’elle ».
On retrouve visuellement ce qui est la griffe de Rodrigo Sorogoyen, ces plans-séquences qui sont des défis pour les comédiens et permettent d’installer une vraie atmosphère en jouant sur l’espace et la profondeur de champ. Il commente : « Le cinéma est l’imitation de la vie. Mais dans cette construction de la réalité, le montage a toujours été nécessaire pour assembler un plan à un autre. On pourrait dire que le montage est cinéma, il est langage, mais que le plan-séquence (c’est-à-dire l’absence de montage) est la vie ou la meilleure imitation possible de celle-ci ».
Porté par des comédiens excellents – Marta Nieto est époustouflante dans le plan-séquence d’ouverture où elle apprend que son fils est perdu et se métamorphose au téléphone – ce drame est d’une étonnante subtilité et le cinéaste joue à merveille sur les relations ambigües entre cette femme brisée et le jeune adolescent. Deux acteurs centraux entourés par une bande de comédiens qui jouent tous à l’unisson, notamment Frédéric Pierrot qui se distingue une fois de plus dans un second rôle, celui du père qui supporte de moins en moins cette mère bouleversée et bouleversante.
Un film intimiste qui, malgré sa longueur, tient en haleine de bout en bout.
