Rétro Cannes
2003. En clôture du Festival de Cannes, Elephant, de Gus Van Sant réussit un étonnant doublé en recevant la Palme d’or et le Prix de la mise en scène.
Film violent – et ce d’autant plus qu’inspiré par la réalitié – Elephant est le récit d’un massacre dans un lycée, ce fléau de l’Amérique. L’action se passe en automne.En ce jour banal, les lycéens, comme à leur habitude, partagent leur temps entre cours, football, photographie, potins, etc. Pour chacun des élèves, le lycée représente une expérience différente, enrichissante ou amicale pour les uns, traumatisante, solitaire ou difficile pour les autres. Cette journée semble ordinaire, et pourtant le drame couve…
En tournant ce nouvel opus, Gus Van Sant pointe du doigt les éclats de violence coutumier aux États-Unis sans pour autant tomber dans le récit réaliste. Il déclarait : « On n’avait jamais eu autant de fusillades dans les écoles américaines. Je voulais faire quelque chose qui essaierait de rendre l’état d’esprit des jeunes qui allaient à l’école à cette époque. Toutefois, nous ne voulions pas expliquer quoi que ce soit. Le public doit se demander comment de telles choses peuvent se produire. J’ai surtout cherché à présenter une impression poétique plutôt que de dicter aux spectateurs ce qui s’est passé et ce qu’il faut en penser ».
Il est vrai, par le truchement de personnages différents, comme celui du jeune photographe, le cinéaste nous laisse nous imprégner de l’atmosphère du lycée, des relations classiques entre les adolescents. Il a d’ailleurs tourné dans un véritable lycée du nord-est de Portland, récemment fermé, au mobilier quasiment intact, ce qui lui a permis d’obtenir un cadre aussi réel que possible. Ce qui renforce cet effet, c’est que Elephant est surtout joué par des comédiens non-professionnels qui étaient encore au lycée ou l’université et dont c’était la première expérience cinématographique.

Dans la mise en scène, on ressent la marque d’un Frederick Wiseman, spécialiste des films dans des endroits difficiles et sur des sujets austères. Utilisant beaucoup la lumière naturelle disponible, Gus Van Sant parvient à tirer parti du moindre endroit du lycée pour construire graduellement une atmosphère oppressante et évoquer le massacre de Columbine.
Quant au montage très habille, qui dévoile le vécu des personnages avant, pendant et après le drame, il donne un rythme étonnant à ce drame politique. Beau, intelligent et engagé.
