Un hiver gagnant

Rétro Cannes

C’est un film turc, Winter Sleep qui rafla la Palme d’or à Cannes en 2014. Un drame avec la plongée dans un huit clos familial, signé Nuri Bilge Ceylan.

Chez Nuri Bilge Ceylan, le temps s’étire et la caméra prend son temps pour dérouler une histoire. Winter Sleep en est un bon exemple avec une mise en scène ample qui utilise à merveille aussi bien les paysages sauvages de la Cappadoce et d’Anatolie que l’intérieur de cette demeure familiale pleine de souvenirs et d’objets.

L’histoire est celle d’un retour aux origines…. Aydin, comédien à la retraite, tient un petit hôtel en Anatolie centrale avec sa jeune épouse Nihal, dont il s’est éloigné sentimentalement, et sa sœur Necla qui souffre encore de son récent divorce. En hiver, à mesure que la neige recouvre la steppe, l’hôtel devient leur refuge mais aussi le théâtre de leurs déchirements…

Chez Nuri Bilge Ceylani, le cinéma est prétexte à tenter de capter les temps de latence, le vide, l’attente alors que la vie tourne au rythme de saisons. Et pourtant, dans son plus long film (3h16), on n’a pas le sentiment de voir passer le temps tant, sous son œil, le moindre détail prend du relief : la neige qui tapisse les vallons, les habitations troglodytes, les paysages roches comme un simple lapin traqué… Dans ce décor de théâtre, passant du vaste à l’intime, les relations tendues entre les trois principaux personnages prend un relief particulier… et les tensions exacerbées s’expriment par toujours avec des hausses de ton.

Fidèle à son habitude d’être à tous les postes d’un tournage – réalisateur, il est aussi scénariste, coproducteur et monteur de son film – Nuri Bilge Ceylan signait ici une œuvre ample et austère. Un film servi par le travail d’un autre habitué du cinéma de ce réalisateur : Gökhan Tiryaki  qui fait un magnifique travail à la direction de la photographie.

Quant à Haluk Bilginer, impeccable, il interprète magnifiquement ce personnage franchement complexe dont on finit par ne plus savoir s’il est fondamentalement bon ou mauvais et confronté à deux femmes qui le poussent dans ses retranchements… Comme le lui lance l’une d’elle : « Par peur de souffrir tu préfères te voiler la face… »

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