Audiard au sommet des Marches

Rétro Cannes


En 2015, Jacques Audiard remportait avec Dheepan une Palme d’or remarquée… et méritée.

Pour la troisième fois, après Un Prophète en 2009 et De Rouille et d’os en 2012 Jacques Audiard a collaboré avec Thomas Bidegain pour le scénario. Cest dire si les deux hommes ont des affinités quand il couche ce drame sur le papier. L’histoire est tout sauf banale. Fuyant la guerre civile au Sri Lanka, un ancien soldat, une jeune femme et une petite fille se font passer pour une famille. Réfugiés en France dans une cité sensible, se connaissant à peine, ils tentent de se construire un foyer.

En s’inspirant de manière indirecte du Montesquieu des Lettres persanes, les scénaristes ont imaginé l’histoire de ce couple qui regarde la société française avec ce regard distancié. Et nous font ainsi découvrir les dysfonctionnements d’un pays. Ce qui renforce aussi l’étrangeté de la situation c’est que le film a été presque exclusivement tourné en langue tamoul, ce qui renforce la distance prise par ce gardien face à la société de banlieue à laquelle il est confronté au quotidien.Instaurant petit à petit des règles, matérialisée comme sur un terrain de foot, cet ancien soldat incarne un peu un militaire perdu dans un nouveau Far West qui est, cette fois, symbolisé par la banlieue parisienne déshumanisée. Le cinéaste a opté comme cadre pour la cité de la Coudraie à Poissy, dans les Yvelines. Dans l’histoire, le nouveau gardien est confronté au petit caïd, très bien joué par Vincent Rottiers, qui est de retour dans la cité à sa sortie de taule.

Ce qui fait la force de ce film, c’est aussi l’interprétation du couple principal et notamment de Antonythasan Jesuthasan qui a combattu lui-même comme enfant soldat au sein des Tigres Tamoul pendant trois ans. Quittant son pays en 1993, il  a vécu « de l’intérieur » le parcours du migrant débarquant en France, confronté à une culture et à une langue qu’il ne connaît pas et qui tente de s’intégrer. Et, avec sa partenaire, il forme un faux couple tout à fait  crédible dans ce drame du quotidien

La Palme d’or reçue par le film a été à l’époque une surprise et pourtant le nouvel opus de Jacques Audiard la méritait et venait grossir le nombre des cinéastes français – peu nombreux- qui avaient brillé depuis la création du Festival. Commentant son nouveau film, Jacques Audiard déclarait : « A la base, le projet, c’était : comment faire un film qui traverse plusieurs genres – et comment faire en sorte que ces différents genres s’emboîtent tout en racontant une histoire. » Le pari fut gagné haut la main.

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