Rétro Cannes
Quand il présente Apocalypse Now au Festival de Cannes, Francis Ford Coppola vient de vivre des années folles de tournage. La Palme d’or est au bout de la route…
« L’horreur… L’horreur… » : ce sont les dernières répliques de Apocalypse Now, film de guerre dément de Francis Ford Coppola. En transposant le très grand roman de Conrad, Au cœur des ténèbres – Welles avait déjà voulu l’adapter – durant la guerre du Vietnam, le réalisateur du Parrain ne savait pas que ce tournage virerait au cauchemar.
De fait, le tournage comme l’a raconté plus tard le documentaire tiré du livre Notes, signé Eleanor Coppola, qui a duré quatorze mois – dix mois de plus que prévu – le cinéaste a failli devenir fou. Des menaces des guérilleros philippins à la crise cardiaque de Martin Sheen, en passant par un typhon, la saison des pluies dévastatrices pour les hommes comme pour le matériel : ce tournage fut titanesque. Et Coppola dût aussi compter avec Marlon Brando, payé trois millions de dollars par semaine, et qui débarque sans avoir lu le roman de Conrad ni une ligne du scénario. Et si le régime du président Marcos, le dictateur des Philippines où le film fut en grande partie tourné, avait apporté son soutien en fournissant notamment des hélicoptères de l’armée philippine, ces appareils servaient également à combattre des groupes rebelles hostiles au pouvoir en place, et disparaissaient régulièrement ou étaient dirigés par des pilotes… inconnus de l’équipe du film.
Quand il présente son film à Cannes, Coppola le fait dans une version incomplète et il craint le pire tandis que Walter Murch peaufine le son quadriphonique dans la salle du Vieux Palais. S’il se montre irrité, voire agressif, durant la Conférence de presse, Apocalypse Now décroche la Palme d’or, ex aequo avec Le Tambour de Volker Schlöndordff, une autre réflexion brillante sur la guerre.
Si le film dans sa première version a parfois été critiqué, la version longue sorti en 2001, version « Redux » voulue par son réalisateur, rend compte de la puissance d’un film remarquable. On y découvre notamment les séquences hallucinantes dites de la « plantation française » durant laquelle le Capitaine Willard a une relation avec une expatriée française incarnée Aurore Clément – une pause dans la jungle qui donne au film une toute autre signification sur l’univers en déroute de la colonisation – et une autre tournée pendant l’ouragan : celui qui frappa les plateaux etdans laquelle les membres d’équipage de la vedette rencontrent les playmates.

Avec le temps, Apocalypse Now s’inscrit ainsi parmi les films baroques sur la guerre et la prestation hallucinée hallucinante de Brando ne peut que marquer les esprits.
