Un drame d’amour

Patrimoine

Pierre Granier-Deferre est un bel artisan du cinéma. Avec La Veuve Couderc, adapté du roman éponyme de Simenon, il le prouvait une fois de plus en 1971, filmant le face-à-face de deux grands acteurs : Simone SIgnoret et Alain Delon.

« Personne ne comprend jamais » ,dit Jean Lavigne à la veuve Couderc dans une des dernières scènes du film. Dans le film de Pierrre Granier-Deferre, on a l’impression que les personnages ne peuvent échapper à leur destin, la solitude, le manque d’amour…

L’histoire  tirée d’un roman de Georges Simenon ? Jean Lavigne – le personnage a vraiment existé – vient de passer cinq années en prison pour meurtre. Désormais, il est libre et sans aucune attache. Il trouve refuge chez la veuve Couderc, dite Tati, une vieille paysanne qui vit dans une ferme et croisée dans un bus de campagne. Jean travaille pour elle et ils entretiennent une relation purement sexuelle. Cette vie calme et sans passion est troublée par la rencontre avec une jeune voisine très aguichante : Félicie…

C’est en tournant avec elle et Jean Gabin dans Le Chat que Pierrre Granier-Deferre avait senti qu’il tenait l’interprète de ce nouveau film, l’adaptation d’un roman dont il rêvait depuis longtemps. « Simone Si gnoret est une immense actrice avec une étonnante dimension humaine. De plus, elle est femme, femme comme je l’entends. Elle est coquette dans le bon sens du terme. Elle est drôle et passionnée » expliquait alors le réalisateur,

Dans La Veuve Couderc, Simone Signoret est exceptionnelle de justesse dans le rôle de cette femme qui vit seule, dans une atmosphère familiale délétère. Quand surgit dans sa vie  ce réprouvé, son personnage sent instinctivement que c’est sa dernière chance pour redonner un sens à une existence morne et sans horizon.

Deux ans avant de la retrouver dans Les Granges brûlées, Alain Delon est lui-aussi parfait de justesse face à Simone Signoret dans ce ballet amoureux où le rapport de séduction est aussi construit sur des relations non dénuées de cruauté, d’autant plus que Lavigne ne cache pas à cette femme mûre ses relations avec la jeune voisine, fasciné qu’il est par la jeunesse de cette jeune fille-mère. On découvre aussi dans l’histoire quelques seconds rôles forts, comme celui de Désiré, le beau-frère, qui permet de retrouver Boby Lapointe qui nous quittera un an plus tard dans la peau d’un paysan borné.

Jouant parfaitement sur cette atmosphère rurale confinée – une écluse, deux vieilles maisons et un horizon borné par les commérages – Pierrre Granier-Deferre parvient à faire ressentir le poids de cette vie dans une campagne perdue au bout de nulle part où les vieilles haines familiales s’expriment à fleur des -rares – mots. Tout comme il recrée parfaitement le climat politique des années 30, avec la montée des Ligues, le racisme qui s’exprime ouvertement (l’inscription antisémite sur le mur de l’église du bled voisin)…

Avec la scène de l’assaut final, où le cinéaste alterne les plans serrés sur la police, leurs armes et les plans larges qui montrent le calme apparent de cette campagne avant le déluge de feu, le cinéaste clôt magnifiquement ce drame rural, devenu un classique du ciné français des années 70.

 

 

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