Blier père et fils jouent les espions

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Sorti en 1967, SI j’étais un espion est le premier long métrage de Bertrand Blier. Le suspense n’est pas inoubliable mais l’atmosphère  et  la direction d’acteur méritent un arrêt sur images.

Pour le docteur Lefèvre de Si j’étais un espion, la vie n’est plus un long fleuve tranquille. Un jour, il s’attire des problèmes à cause de l’un de ses patients, un certain Guérin. En effet, cet homme dépressif semble recherché par une organisation secrète. Ceux-ci menacent alors le médecin de s’en prendre à sa fille s’il ne les aide pas…

Pour ce premier film de fiction, Bertrand Blier s’attaquait à un genre à la mode : le film d’espionnage et ce d’autant plus que l’époque de la guerre froide était propice à son lot de paranoïas, de non-dits. Ce n’est pas l’intrigue proprement dite qui de termine par un final qui manque d’étincelles, qui est marquant ici, c’est la direction de deux acteurs qui s’affrontent tout au long du film : Bernard Blier et Bruno Cremer qui joue l’agent chargé de retrouver l’étrange patient du toubib et s’invite chez lui pour épier le moindre de ses faits et gestes. Il y a dans la silhouette massive de l’acteur quelque chose d’inquiétant, une violence contenue… Dans ce rôle froid et mutique, avec cette voix forte qui peut passer de la caresse grave à une vraie hargne, Bruno Cremer assure  ici une partition sans failles.

Quant à Bernard Blier, il est, devant la caméra de son fils, impressionnant de maîtrise, campant ce médecin veuf qui, petit à petit, doit livrer certains moments d’un passé qu’il a (ou feint d’) oublié. C’est dans cet art du suspense, renforcé par les atmosphères nocturnes en noir et blanc, que Bertrand Blier réussit ce premier tour de piste. Il suffit d’un gros plan sur le  visage de son père, d’un regard du comédien pour faire passer bien des émotions  On s’en rend compte dans la scène décalée et pudique où le docteur Lefèvre regarde sa fille s’habiller avant de partir pour une soirée entre amis : en un coup d’œil, on voit passer toute l’affection d’un père pour sa progéniture, même si la séquence révèle une sensualité certaine. Dans un second rôle, Suzanne Flon fait une apparition remarquée aussi.

Avec une première partie flirtant avec le fantastique, Si j’étais un espion est un  film à redécouvrir où Blier se glisse dans un univers tout hitchcockien. Pour autant, il se situe à cent coudées de ce qui va caractériser l’univers décalé et provocateur de Bertrand Blier… Pour la petite histoire, le cinéaste a demandé à Serge Gainsbourg de signer la musique originale de ce film et c’est Michel Colombier qui en signe l’orchestration. Une première collaboration puisqu’ils se retrouveront dans Tenue de soirée

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