L’Ouest, le vrai selon Peckinpah

PATRIMOINE


Avec Sam Peckinpah, l’action ne fait jamais dans la dentelle et la violence a une vraie fonction narrative. La preuve avec cette Horde sauvage (1969) qui raconte la longue et sanglante traque d’une bande braqueurs par des chasseurs de prime.

La Horde sauvage montre bien comment Peckinpah entend revisiter le western des familles. Le pitch ? Au sud du Texas, Pike Bishop et ses hommes s’apprêtent à attaquer les bureaux de la compagnie de chemin de fer. Mais Duke Thornton et ses chasseurs de primes les attendent au tournant. Un bain de sang est alors inévitable…

Réponse du cinéma américain au western spaghetti, cette Horde sauvage, qui fut interdite au moins de 12 ans à sa sortie, offre des scènes d’une violence totale. Et  inédite à l’époque. Sam Peckinpah s’en justifiait ainsi à la sortie du film : « Je veux que le spectateur ressente de la manière la plus forte, la plus terrible possible, la violence cataclysmique, irresponsable qui peut s’emparer de l’homme. J’ai fait ce film parce que j’étais très en colère contre toute une mythologie hollywoodienne, contre une certaine manière de présenter les hors-la-loi, les criminels, contre un romantisme de la violence (…). C’est un film sur la mauvaise conscience de l’Amérique ».

Rien que la scène du début où des gamins s’amusent à martyriser des scorpions en dit long sur la vision de l’humain façon Peckinpah. Tout au long de La Horde sauvage, il va se livrer à une attaque radicale de plus des mythes chers aux westerns traditionnels. Ou, comme il le disait : « J’achève de traiter le thème des hommes perdus dans une époque qui les a dépassés. » Et il n’est pas non plus étonnant que ce film sorte alors que la guerre du Vietnam faisait toujours rage et suscitait bien des débats politiques et bien des manifestations.

Dirigeant de vrais physiques du cinéma américain -de William Holden à la dégaine aristocratique à Ernest Borgnine, à la vraie gueule de l’emploi en passant par Robert Ryan, dont le regard vous transperce – Sam Peckinpah avait soigné le montage pour rendre les séquences plus percutantes les unes que les autres : d’après Lou Lombardo, son monteur, la version originale en comptait 3643, un record pour l’époque.

La scène de bataille finale, si marquante, a nécessité une lourde machinerie : elle a bloqué douze jours de tournage sur les 81 au total et on a tiré 90 000 cartouches à blanc pour restituer l’intensité ces combats.

Quant à la dernière scène tournée en une seule prise, ce fut l’explosion du pont sur la rivière Nazas : cinq cascadeurs s’y consacrèrent et Peckinpah capta ce moment avec rien moins que six caméras ! C’est d’ailleurs le co-auteur de l’histoire, avec Walon Green, dont le scénario fut tiré, qui dirigeait aussi l’équipe des cascades. Ce Roy N. Sickner a fondé, pour la petite histoire, l’Association des cascadeurs de Hollywood. Les ralentis célèbres du réalisateur confèrent au travail de ces hommes de l’action une indéniable puissance.

Peintre d’une fresque sanglante, Peckinpah se revèle aussi dans cette Horde sauvage comme un analyste et un pamphlétaire.  Un film provocant qui n’a pas pris une ride.

Un zoom sur le cinéma de Peckinpah

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