PATRIMOINE
70 minutes de pur délire ! C’est que nous réservaient les Marx Brothers dans La Soupe au canard, une comédie anar réjouissante où tous les chantres du pouvoir en prennent pour leur grade…
Dans un royaume d’opérette, les Marx Brothers ont leur place toute trouvée. La Soupe au canard raconte les coulisses d’un pays en faillite et qui se cherche un sauveur… Les caisses de la Freedonie sont à leur niveau le plus bas. Une fois de plus le Conseil des ministres fait appel à la richissime Mme Teasdale qui accepte à une condition : que le gouvernement se dote d’un nouveau chef, Rufus T. Firefly. En Sylvanie, pays voisin qui convoite la Freedonie, la nouvelle est accueillie avec mauvaise humeur. Trentino, ambassadeur en Freedonie, courtise Mme Teasdale mais celle-ci est entichée de Firefly. Trentino engage deux espions, Pinky qui est le chauffeur de Firefly et Chicolini, et leur assigne pour mission de discréditer son rival.
Signé Leo McCarey, ce septième film où apparaissent les- quatre- frères Marx est une comédie burlesque de haut vol. Dans cette satire sur le pouvoir, les milieux d’argent, les relations d’affaires – et qui garde toute sa portée à l’époque où nous vivons – les frangins s’en donnent à cœur joie.
Les dialogues fusent, les séquences d’opérette sont des vrais morceaux d’anthologie – ainsi dans celle qui marque le début de la guerre entre les deux pays – et le comique de situation est roi.
On y retrouve aussi les marques de fabrique des grands films des Marx Brothers et de cet humour juif teinté d’un surréalisme ravageur. La preuve ici avec une séquence que ne désavouerait pas Luis Buñuel où Harpo se couche à côté d’un… cheval qui a pris la peine de laisser ses fers au pied du lit !

En fil conducteur du récit, il y a la présence d’un Harpo absolument réjouissant dans la régression : il a une érotomanie infantile, menace ses dames de son klaxon et d’offrir son genou aussi bien aux donzelles qu’aux mecs dans une bisexualité symbolique qui ne pouvait que trancher avec le puritanisme ambiant. Et que dirait un psy de sa manie de tout couper avec une énorme paire de ciseaux : des cigares de Trentino, à la queue de sa veste, en passant par sa poche… Le garnement isolent et turbulent n’est jamais loin avec Harpo comme le prouve la scène de bagarre aussi bien verbale que physique entre Chico, lui et le marchand de limonade avec l’instant réjouissat où, parodiant les joueurs de bonneteau, ils échangent leur chapeau à toute vitesse.
Dans ce ballet du non-sens, mené à une vitesse étonnante, Groucho règne en maître, capable de passer de la pantomime chère à un Keaton ou du Chaplin – dans le scène où il est intronisé comme chef du gouvernement comme dans celle du miroir – à des déclarations qui soulignent l’absurdité de tout pouvoir. Ainsi quand Rufus T. Firefly lance prenant ses fonctions dans une séquence mi-jouée, mi- chantée : « Si vous trouvez ce pays foireux/ Je vous promets que je peux faire mieux ! Vos impôts étaient écrasants ? Moi je peux les rendre cuisants. »
Dès le générique aussi savoureux qu’absurde en forme de recette de Soupe au canard, le ton est donné. Avec les frères Marx, rire c’est vraiment capital !
