PATRIMOINE
En 1948, John Ford retrouvait son décor favori de Monument Valley pour tourner Le Massacre de Fort Apache. Inspiré de la dernière charge de George Armstrong Custer, il offrait à Henry Fonda un sacré rôle de gradé antipathique, face à un John Wayne, toujours fidèle aux notions de la parole donnée, y compris à un grand chef indien.
Pour tourner Le Massacre de Fort Apache, John Ford avait adapté une nouvelle, Massacre, paru dans un grand quotidien et signé James Warner Bellah. Envoyé dans le désert de l’Arizona pour prendre le commandement de Fort Apache, le lieutenant-colonel Owen Thursday (Henry Fonda) espère retrouver son grade de général. Mais au Fort il est méprisé pour son ignorance des tactiques indiennes et ses hommes n’apprécient pas sa discipline stricte. Mais lorsqu’il apprend que Cochise, le chef des Apaches a quitté sa réserve et conduit sa tribu vers le territoire mexicain, il espère le capturer et rétablir ainsi
sa renommée. Mais les indiens sont d’excellents stratèges…
Avec cette histoire, Ford signait une autre « lecture » de l’histoire américaine où l’Indien n’était plus présenté comme un sauvage cruel : à travers le personnage de Cochise, il montre des tribus respectant des accords, alors même que le militaire campé par Henry Fonda les foule, quitte à provoquer une gigantesque tuerie et à y perdre la vie.Jouant admirablement des contrastes entre les plans larges et les plans serrés, comme dans la poursuite de la diligence, John Ford prouve qu’il reste une de fois de plus le maître du western dont il disait dans ses rares confidences qu’il « avait été fasciné par lui depuis son enfance. » Et, il sait mieux que quiconque capter l’intensité d’une scène de combat comme le prouve l’attaque des tuniques bleues dans le canyon par les indiens de Cochise et où le montage serré permet de se croire au milieu de la tuerie, dans des nuages de poussière qui rendent la séquence parfois irréelle.
Si John Wayne campe le gradé astucieux qui comprend l’adversaire et respecte une parole, Henry Fonda joue un personnage de colonel droit dans ses bottes et qui refuse de discuter le moindre de ses ordres. Un rôle de méchant qui fut critiqué à l’époque et pourtant Ford souligne à juste titre : « Henry était très bon en méchant ! » Il le prouvera une fois encore bien des années après dans Il était une fois dans l’Ouest.
Outre les séquences d’humour, notamment celles où un quatuor de sergents détruit le stock de whisky frelaté en… le buvant, ce classique offre une scène de bal dont John Ford raffolait. « C’est un bon intermède, disait-il, surtout que les cowboys sont de bons danseurs folk. » Il avait même mis à contribution des Mormons qui étaient de « solides danseurs de quadrille. » On retrouve la même utilisation de la danse que dans Vers sa destinée ou Le Convoi des braves.
Autre figure inattendue dans cet Ouest sauvage, celle de Shirley Temple, qui interprète la fille du lieutenant-colonel : John Ford avait convaincu Shirley Temple de sortir provisoirement de sa retraite.
On le voit, nous avons là tous les ingrédients des westerns qui ont un souffle certain.
