RIRE FACE AU VIRUS…

Pour lutter contre le virus de la peur, les chaînes nationales dégainent une arme : Louis de Funès. Depuis plus de trois semaines, la rediffusion de ses comédies semble être un remède aux angoisses du téléspectateur confiné face au virus. Un remède à la mélancolie ?

Même ses films les plus rediffusés font un carton d’audience. Un exemple ? Le 29 mars, France 2 est arrivé en tête en début d’après-midi avec la diffusion de L’Aile ou la Cuisse, marqué par le choc De Funès-Coluche dans un univers de cirque. Entre 14h23 et 16h04, le film a captivé 4,14 millions de Français en moyenne. Un pic à 5 millions de téléspectateurs a même été enregistré par Médiamétrie en fin de diffusion. La semaine précédente, La Grande Vadrouille avec Louis de Funès et Bourvil avait réuni en moyenne 5,14 millions de Français jusqu’à 16h10… Ce sera amusant de voir  comment se comporte, ce dimanche 12 avril, La Folie des grandeurs, de Gérard Oury, diffusée à 21h00 face  Stars 80, une autre comédie sur TF1. Car, même avec la série vue et revue des Gendarme, M6 est aussi montée sur la troisième marche du podium le 23 mars dernier…

Tout se passe comme si Louis de Funès symbolisait une forme de résistance par le rire dans un contexte qui peut susciter le pire. Ces pics d’audience, preuve d’un attachement indéfectible pour le populaire acteur de La Grande Vadrouille ou d’Oscar, coïncident avec une exposition qui aurait de quoi rendre perplexe tout intellectuel cinéphile : celle qu’organise  jusqu’au 2 août la Cinémathèque française, en l’honneur de l’interprète immortel du maréchal des logis-chef Cruchot. Si la visite est pour l’instant impossible confinement oblige, nul doute qu’elle fera le plein quand nous aurons de nouveau la liberté de mouvement.Celui en qui un Johnny Depp voir « un des plus grands acteurs de tous les temps », et qui ne fut pas toujours salué par la critique, devient désormais une icône. Et sans doute, bien malgré lui, le symbole d’une France plus insouciante des années 60 et de la fin des Trois Glorieuses, celle des années Pompidou notamment.

Comme si, aujourd’hui, La Soupe aux choux, qui ne brille pourtant pas par la légèreté de son propos, ne pouvait subir la moindre critique. Comme si Louis de Funès n’avait tourné que des chefs d’œuvre, ce qui est, bien entendu, faux.

Pourtant, il est vrai, de Funès est un monde à lui tout seul, capable de mettre son caractère au service de bien des personnages, notamment ceux de ces patrons autoritaires et veules, ces aristocrates déclassés comme dans La Folie des grandeurs ou de ces pères de famille dépassés par l’évolution… En fait, De Funès – né en 1914 – incarne des personnages qui rendent ridicule toute forme de hiérarchie sociale, toute tentative de jouer les chefs.

Et puis, le comique de l’acteur est un langage international avec son art consommé de la grimace, ses onomatopées animales, sa gestuelle qu’il répétait à l’infini pour obtenir l’effet voulu au risque de brider ses partenaires qui auraient pu lui faire de l’ombre. Même si sous ce jeu de l’excès, de Funès masquait une vraie sensibilité et une pudeur profonde. C’est en ce sens qu’il a, comme Chaplin, inventé un langage humoristique qui se moque des frontières.

Si le confinement perdure, nul doute que les chaînes n’hésiteront pas à puiser dans leur catalogue pour nous offrir du de Funès sur canapé. Une épidémie de rire, ça ne soigne pas un virus si contagieux, mais ça permet de s’évader un tout petit peu…

Pour suivre la ré-ouverture de l’expo de la Cinémathèque, cliquez ici.

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