Buñuel et le grand virage mexicain

PATRIMOINE


En 1950, Luis Buñuel revient au cinéma après une longue éclipse et tourne un des longs métrages marquants de sa période mexicaine : Los Olvidados (Pitié pour eux). Un film d’un réalisme impitoyable qui fit scandale, mais ça, Buñuel en avait l’habitude…

Los Olvidados, c’est la plongée dans le quotidien de la misère au Mexique. Dans cette histoire, Luis Buñuel nous plonge dans une banlieue déshéritée de Mexico.El Jaïbo, échappé d’une maison de correction, retrouve sa bande. Ensemble, ils agressent un aveugle et dévalisent un cul-de-jatte. Mais El Jaïbo veut avant tout se venger de Julian, qu’il accuse de l’avoir dénoncé. Accompagné du jeune Pedro, El Jaïbo attire Julian dans un traquenard et le tue. Seul témoin du meurtre, Pedro va alors désespérément tenter de retrouver le droit chemin…

Se situant dans la vague néo-réaliste d’un Rossellini et dans un univers cinématographique encore marqué par la cassure et les horreurs de 39-45 – on peut y voir aussi l’influence de Sciuscia, de Vittorio De Sica, mettant en scène les gamins des rues de Rome et sorti en 1946 –  le cinéaste tourne l’intégralité du film dans la capitale mexicaine Mexico, le cinéaste considérant ce pays où il s’est exilé depuis 1946.  comme sa patrie d’adoption. On y retrouve le même regard d’un réalisme cruel sur la pauvreté et la misère, sujet qu’il avait déjà magnifiquement abordé dans Terre sans pain.

Si Los Olvidados marque le Festival de Cannes – il y reçoit le prix de la Meilleure réalisation – ô combien mérité – et celui de la critique internationale – le film est attaqué par les autorités et la presse mexicain qui accuse le cinéaste de donner une image sinistre de leur pays. Certains iront même jusqu’à faire campagne pour son expulsion pure et simple.

Pour l’anecdote, les bidonvilles du film font plus vrais que nature alors que Buñuel a tourné tout son film dans les studios de Tepeyrac, situés également à Mexico. Il est vrai, le tournage  avait été précédé par  de longs mois de recherches où le cinéaste avait fait de longs repérages dans les faubourgs populaires de la capitale mexicaine.

Revenant sur ce tournage dans ses Mémoires, Mon dernier soupir, Buñuel s’amusa de ces critiques. Il écrit notamment : « Parmi les insultes multiples que je devais recevoir après la sortie, Ignacio Palacio écrivit par exemple qu’il était inadmissible que j’aie mis trois lits en bronze dans une des baraques en planche. Or c’était vrai. Ces lits en bronze, je les avais vus dans une baraque en planches. Certains couples se privaient de tout pour les acheter, après le mariage. »

 

 

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