PATRIMOINE
À sa sortie en 1960, tout comme Psychose, Le Voyeur, de Michael Powell est un pur chef d’œuvre dans l’univers du thriller. Retour dans le passé.
Le Voyeur, c’est l’histoire d’une névrose. Le tueur du film est atteint de scoptophilie, soit le plaisir de regarder… De fait, Mark Lewis est un jeune homme solitaire, passionné d’image jusqu’à l’obsession. Opérateur-caméra dans un studio de cinéma, il fait aussi des extras comme photographe de charme dans la boutique d’un marchand de journaux.
Son appartement est un immense laboratoire rempli de matériels, d’appareils, de chimie. Là, il développe et visionne seul ses propres films à longueur de temps. La caméra toujours à portée de main, Mark Lewis dit tourner un documentaire mais il s’emploie en réalité à une démarche bien plus morbide: il traque la peur de la mort dans le visage de jeunes femmes… On le voit, le scénario du Voyeur est d’une noirceur absolue…
De séquence en séquence, en suivant le parcours d’un personnage aussi halluciné que Mark Lewis, remarquablement joué par l’acteur autrichien Karlheinz Böhm (qui avait incarné François-Joseph d’Autriche dans Sissi !), Michael Powell signe une magnifique mise en abyme. C’est aussi un film qui évoque pour la première fois les « snuff movies », des opus qui mettraient en scène de véritables meurtres.
Jouant sur une idée aussi morbide que brillante pour permettre à ce cinéaste du malheur
d’immortaliser l’instant de pure violence, Michael Powell parvient à tenir le spectateur en haleine jusqu’au terme de ce film nerveux et parfois insoutenable. Et la chute du récit fait montre d’une vraie imagination dans un ultime plan morbide servi par une mise en scène brillante.
Le Voyeur a marqué des générations de cinéaste, notamment Martin Scorcese qui favorisa sa deuxième sortie aux États-Unis en 1979, lors du New York Film Festival et qui signa ensuite, en compagnie de MIchael Powell les commentaires audio accompagnant l’édition DVD américaine du film. Grand nom du thriller moderne, Brian de Palma a glissé aussi un hommage à ce film dans l’ouverture de Sœurs de sang : dans la séquence où l’on voit des invités débattre dans un show télévisé, baptisé Peeping Tom. En anglais : c’est Le Voyeur, le titre original de ce bijou !
