PATRIMOINE

Film de guerre injustement méconnu, The Big Red One (Au-delà de la gloire), de Samuel Fuller est pourtant un film qui a du souffle, signé par un des témoins directs des débarquements de 1944. Un opus ouvent copié, jamais salué à sa juste valeur par certains cinéastes.
Avec au générique Lee Marvin, vétéran des films de guerre, Mark Hamil ou encore Robert Carradine et Serge Marquand, Au-delà de la gloire suit les aventures de quatre jeunes soldats, Griff, Vinci, Zab et Johnson qui s’engagent, en 1944, dans la première division d’infanterie américaine, la « Big Red One ». Menés par le sergent Possum, ces militaires parcourent le globe pour combattre au nom de leur patrie, allant d’Afrique du Nord à l’Allemagne nazie.
Mais sur le champ de bataille, les horreurs de la guerre marquent à tout jamais ces hommes qui découvrent l’enfer de la guerre longue au quotidien…
Quand il tourne ce film en 1980, Samuel Fuller sait de quoi il parle. Jeune homme, il a fait partie de l’unité « The Big Red One » qui connut tous les débarquements. Filmer la guerre, Fuller a toute la légitimité pour le faire donc. Et il le fait à hauteur d’hommes sans manichéisme.
Les Américains ne sont pas des héros venus d’une autre planète : ils pètent de trouille comme tout le monde le ferait dans une telle boucherie, ce qui ne les empêche pas d’accomplir des actes héroïques. Quant aux Allemands, ils ne sont pas des diables, mais bien des ennemis endoctrinés qui tentent le tout pour le tour mais sentent que leur destin n’est plus vraiment entre leurs mains.
Samuel Fuller qui avait filmé la découverte du camp nazi de Falkenau dans un documentaire bouleversant qui est
sans doute aussi fort que Nuit et Brouillard, raconte ici un moment historique entré dans la légende, mais sans aucun cynisme. Comme le dit l’écrivain du groupe, un certain Zab, campé par Robert Carradine : « Survivre est la seule gloire dans la guerre. »
C’est le détail qui fait la différence dans ce film où si le Débarquement est montré dans toute sa brutalité au côté des soldats – Steven Spielberg s’est indéniablement inspiré de ces séquences dans Il faut sauver le soldat Ryan– Fuller sait aussi montrer les moments de vie comme dans la scène où une petite fille sicilienne rend son casque à un soldat : il est garni de fleurs de montagnes.
Dans la version restaurée plus longue, présentée au Festival de Cannes en 2005, on peut découvrir la scène absolument surréaliste avec les cavaliers français dans le désert et dans laquelle Guy Marchand incarne un capitaine, Chapier, tout droit sorti d’une autre époque. Évoquant ce passage lors d’une rencontre, le comédien m’avait dit : « Outre les problèmes de production – j’avais demandé et obtenu d’avoir des bottes de cavalier que j’ai emprunté à un acteur- officier allemand dont les jambes ont été ensuite cachées derrière une dune car il était pieds nus »- le film a peut être été coupé car, dans la scène, il y a avait le mot « Pétain » gravé dans la pierre de la casemate. »
Dans une filmographie hantée par la violence – comme si le soldat Fuller ne s’était jamais remis des blessures de la vie – Au-delà de la gloire est un film qui garde toute sa puissance et qui nous fait vivre le quotidien d’hommes confrontés à l’horreur. Une mise en scène sans esbroufe et des acteurs qui sont tous dans le juste tempo.
