Patrimoine : Keaton, le précurseur

Mémoire


Si le Parlant a « tué » le cinéaste, Buster Keaton, dit « l’homme qui ne riait jamais » a marqué la pellicule de son jeu et de ses trouvailles. Le Cameraman, sorti en 1928, le prouve.

Gagman inspiré et comédien à la souplesse d’un gymnaste, Keaton a vu son génie éclipsée par l’empreinte d’un Chaplin qui, bien conscient du talent de son concurrent, lui rendit un bel hommge des décennies plus tard dans Les Feux de la rampe.

Co-réalisé avec Edward Sedgwick, Le Cameraman est l’histoire d’un raté. Nous sommes à  New-York, les débuts de Shannon comme reporter d’une compagnie d’actualités cinématographiques sont désastreux. Encouragé par Sally, la secrétaire de la compagnie, il s’impose en tournant une émeute dans le quartier chinois. Ensuite, il sauve Sally évanouie lors d’un accident de hors-bord ; exploit que s’attribue un lâche, mais un singe avait tourné la manivelle de l’appareil de Keaton et filmé la scène…

Malgré le temps qui a passé, malgré les modes et le côté désuet de l’histoire d’amour, cette comédie surprend toujours son monde par son écriture rythmée et fluide, la rapidité de son humour et la qualité de son scénario. Et surtout, l’histoire cache, derrière la bluette en forme de prétexte à attirer le grand public, une métaphore sur le cinéma et son histoire elle-même.

Keaton incarne un photographe de la vieille école qui tente de se remettre dans le coup en devenant un de ces cameramen qui, caméra l’épaule, chasse le scoop payé chèrement par les actualités. Ses débuts sont tout sauf biens, mais il découvre aussi quelques possibilités de l’image animée : le split screen, ce jeu sur la vitesse de lecture, ou encore la surimpression. Et il faut la célèbre guerre des gangs en plein cœur du carnaval chinois pour que l’ancien photographe fasse preuve de ses dons de preneur d’images. L’effondrement d’un échafaudage va même lui permettre de signer une espèce de travelling en accéléré…

Ironie du sort, Keaton ne parviendra pas à rebondir, comme Shannon,  à l’arrivée du Parlant qui marquera sa lente descente vers l’oubli. L’homme ne perd jamais son de l’humour et la séquence où un petit singe parvient à jouer le caméraman est un vrai pied de nez à l’adresse du petit monde cinématographique. Et si les progrès techniques étaient tels que même un babouin pouvait en maîtriser les outils ? La question ne manque toujours pas de pertinence et le débat reste ouvert…

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