UN FILS, de Mehdi M. Barsaoui – 1h36
Avec Sami Bouajila, Najla Ben Abdallah, Youssef Khemiri
Sortie : mercredi 11 mars 2020
Mon avis : 4 sur 5
Le pitch ?
Farès et Meriem forment avec Aziz, leur fils de 9 ans, une famille tunisienne moderne issue d’un milieu privilégié. Lors d’une virée dans le sud de la Tunisie, leur voiture est prise pour cible par un groupe terroriste et le jeune garçon est grièvement blessé..
3 raisons d’y aller ?
Un drame personnel et politique. À travers l’accident vécu par leur fils – et dont la vie ne tient qu’à une greffe de foie – Mehdi M. Barsaoui réussit la gageure de mêler deux histoires qui se rejoignent : d’un côté un drame familial avec un incident qui met la vie du couple en danger et de l’autre les conséquences pratiques de ce drame dans une Tunisie dont le moralisme reste de mise en plus haut niveau du pouvoir, ce qui a des conséquences évidents sur la vie du peuple.
Or, l’action du film se déroule en 2011, une année qui fut charnière sur le plan politique et social en Tunisie. Mehdi M. Barsaoui souligne : « Au départ, je n’avais pas la prétention de vouloir parler de la révolution : je n’en avais ni les connaissances nécessaires ni les moyens. Je ne suis ni historien ni politologue. Ce qui m’intéressait, c’étaient les répercussions que la vie politique pouvait avoir sur une famille d’allure classique. Et c’est la raison pour laquelle cette histoire se déroule quelques mois après la chute de Ben Ali, et quelques semaines avant celle de Khadafi exécuté en octobre. De grands changements ont eu lieu dans cette partie du monde et je voulais que mes personnages évoluent à cette période précise. Et à la fois, je ne voulais pas trop pousser cet aspect-là. »Une mise en scène habile. Attaquant par une séquence anecdotique – le pique-nique d’une bande d’amis de la société bourgeoise tunisienne – le film joue progressivement sur une atmosphère oppressante au fur et à mesure que Farès découvre la réalité et ce lourd secret de famille. Il y a en prime la question d’urgence vitale de la greffe du foie et toutes les magouilles défendues sur place par une certaine partie de la population médicale s’appuyant sur des trafiquants sordides. Par ailleurs, le cinéaste a misé sur une mise en scène sobre et qui se refuse à tout effet grandiloquent. Ce parti pris permet de donner toute la mesure du talent des comédiens.

Le jeu impeccable de Sami Bouajila. Le talent de ce comédien n’est pas une découverte loin de là, mais ce film marque une de ses meilleures compositions tant il parvient à exprimer sur son visage toute la détresse de ce père qui découvre, petit à petit, la vérité, mais fera tout pour sauver son fils. Face à Najla Ben Abdallah, qui joue sur tous les registres d’une mère dévorée par la culpabilité, Sami Bouajila porte l’histoire de bout en bout faisant preuve d’un charisme étonnant.
Sans dévoiler tous les ressorts de l’histoire, Un fils est un film audacieux, nerveux et qui pose un regard d’une froide lucidité sur la vie quotidienne dans la Tunisie de l’après Ben Ali où l’obscurantisme est loin d’être de l’histoire ancienne.
