UN HÉROS ORDINAIRE SELON EASTWOOD

LE CAS RICHARD JEWELL, de Clint Eastwood- 2h09

Avec Paul Walter Hauser, Sam Rockwell, Kathy Bates, Olivia Wilde

Sortie : mercredi 19 février 2020

Mon avis : 3 sur 5

Le pitch ?

1996. Richard Jewell fait partie de l’équipe chargée de la sécurité des jeux Olympiques d’Atlanta. Il est l’un des premiers à alerter de la présence d’une bombe et à sauver des vies. Mais il se retrouve bientôt suspecté… de terrorisme, passant du statut de héros à celui d’homme le plus détesté des États-Unis. Il fut innocenté trois mois plus tard par le FBI. Pourtant sa réputation ne fut jamais complètement rétablie, sa santé étant endommagée par l’expérience.

Convaincant ?

Dire que Clint Eastwood a un talent certain de réalisateur, c’est enfoncer des portes ouvertes. Avec Le Cas Richard Jewell, on retrouve son style de mise en scène qui alterne une certaine nonchalance à des séquences plus nerveuses. D’un côté, le réalisateur signe des plans qui suivent son « héros » au quotidien avec des dialogues qui, derrière leur banalité – que ce soit le goût de l’avocat pour les barres chocolatées que les échanges sur le stand de tir – en disent beaucoup sur le personnage grassouillet de Richard Jewell, « hanté » par le désir de protéger et servir et dont la personnalité semble écrasée par la présence de sa mère.

De l’autre,  surgissent ces moments plus rythmés et amples.  Amateur de jazz, Eastwood sait jouer sur les sautes de rythme, le contretemps : ainsi,  le moment de l’attentat est d’une remarquable efficacité dans sa brièveté, avec une série d’échanges nerveux entre les officiers chargés du maintien de l’ordre.  Et, en prenant de la hauteur dans les séquences de captation des concerts, il sait aussi faire « respirer » son histoire en retrouvant la banalité des célébrations entourant les jeux Olympiques.

Avec ce film, Clint Eastwood rend  un bel hommage à ces héros ordinaires qu’il aime tant défendre. Il confie : « On entend souvent parler de gens puissants qui se font accuser de choses et d’autres, mais ils ont de l’argent, ils font appel à un bon avocat et échappent aux poursuite. L’histoire de Richard Jewell m’a intéressé parce que c’était quelqu’un de normal, un monsieur tout-le-monde. Il n’a jamais été poursuivi, mais il a été largement persécuté. Les gens se sont empressés de l’accuser ; il n’a pas pu échapper à ces accusations et pendant longtemps il est resté trop naïf et idéaliste pour se rendre compte qu’il devait sauver sa peau. C’est pour cela que je voulais faire ce film, pour réhabiliter l’honneur de Richard. « 

Pour camper cet outsider frappé par le destin et la suspicion générale, il a eu la main heureuse en choisissant Paul Walter Hauser, un comédien qui  campe avec talent un homme ordinaire pouvant passer partout inaperçu mais qui se débrouille pour toujours se faire remarquer par ses prises de position, fruit de ses convictions profondes. L’acteur a travaillé pendant des jours pour s’approprier mimiques et élocutions du vrai Richard Jewell et le résultat est à la hauteur de son investissement.

Plus contestable ?

Là où le film pose problème, c’est dans les arrangements du cinéaste avec l’histoire réelle de Richard Jewell. Car son film est une charge, parfois lourde, aussi bien contre la presse que contre le FBI, montré comme une institution qui bride la liberté en toute impunité.

De fait, la blonde Olivia Wilde – un physique de femme si coutumier  de l’univers d’Eastwood- joue sans retenue la journaliste Kathy Scruggs, qui fut la première à révéler le nom de Jewell comme suspect à la Une de l’Atlanta Journal-Constitution. Avouant qu’elle ne sait pas écrire – elle se fait aider pour composer son enquête par un confrère – elle est quand même une caricature de la journaliste qui couche-pour- avoir- ses-infos. Et bien sûr, l’agent du FBI campé par Jon Hamm – le personnage n’a jamais existé en tant que tel et symbolise donc l’esprit de l’Agence – est celui qui va lâcher l’info, faisant peser sur ce FBI, l’image d’une institution corrompue à souhait.

Aux États-Unis, certains organes de presse ne s’y sont pas trompés en disant que le message du film collait parfaitement à l’ère Trump qui montre souvent la presse et le FBI comme des tyrans qui brident la liberté de chacun. Jouant sur une permanente ambiguïté, Clint Eastwood parvient à célébrer les souffrances d’un homme simple et qui a des valeurs bien américaines tout en stigmatisant un système et le poids du pouvoir médiatique et politique qui serait hostile à la liberté individuelle. Heureusement, veillent ces avocats, chevaliers des temps modernes, qui savent jouer avec les failles du système…

Derrière la vraie histoire de Richard Jewell, fort bien décrite, il y a alors ces messages qui manquent vraiment de nuances et autorisent certaines séquences caricaturales comme celle où Kathy Scruggs, minaude dans sa rédaction en tenant le journal du scoop. On a alors le sentiment que le vieil artiste a parfois du mal à comprendre la rapidité du monde dans lequel il vit…

 

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