DES HOMMES, de Alice Odiot et Jean-Robert Viallet – 1h22
Documentaire
Sortie : mercredi 19 février 2020
Mon avis : 4 sur 5
Le pitch ?
Trente mille mètres carrés et 2 000 détenus dont la moitié n’a pas 30 ans. La prison des Baumettes raconte la misère, la violence, les abandons et les espoirs aussi. C’est une histoire avec ses cris et ses silences. Un concentré d’humanité.
Ce qui touche dans ce doc ?
Qualifiée « d’endroit répugnant » par le Conseil de l’Europe, la prison des Baumettes vient d’être rénové après des années où ce lieu de détention était une honte pour notre démocratie. Il a fallu cinq ans au duo de réalisateurs pour réussir à passer vingt-cinq jour en immersion dans cette prison située aux portes des chemins des Calanques de Marseille. Le document s’ouvre par une séquence qui frappe et donne le ton du reste du film : on y voit derrière une la vitre de sécurité, la silhouette agitée d’un détenu qui tourne en rond. La scène dure sans un mot de commentaires. Elle est à l’image de ce voyage au bout de la souffrance ordinaire où l’on est étonné de la manière dont les réalisateurs ont pu capter le quotidien d’une telle taule.
Jean-Robert Viallet décrit ainsi les Baumettes avec des mots qui font froid dans le dos, même si ces murs abritent des délinquants sévères, dans un pays qui se vante d’être celui des Droits de l’Homme: « Des murs lépreux bâtis dans les années 30. Des grilles, des barreaux, des canalisations qui suintent, des sols en bétons, des couloirs immenses, de la saleté partout. Des rats et des odeurs d’urine. Et si on élargit le champ, qu’est-ce qu’on voit ? Un geste architectural superbe. Trois bâtiments parallèles reliés par un immense couloir. Des coursives sans fin, des balcons, des portes en bois à intervalles réguliers. Une absolue symétrie. L’effrayante beauté fasciste d’un bâtiment entièrement dédié au contrôle. Tout au fond, dans les entrailles de ce bâtiment, dans les caves immenses, là où il n’y a plus de lumière, là où courent au plafond les tuyauteries, qu’est-ce qu’on voit ? Le long, l’interminable couloir de la mort. Celui qu’a parcouru le dernier condamné à mort de France. Les murs n’ont plus d’âge, comme si depuis quarante ans, personne n’avait souhaité repasser ici un coup de peinture pour recouvrir d’un linceul ce cauchemar. »
En suivant la caméra, de la cour de promenades au rencontre avec les surveillants et autres professionnels de la maison d’arrêt – on est d’ailleurs surpris par le nombre de femmes qui travaillent dans ce lieu – Des hommes ne joue sur aucun angélisme, ne dissimule pas les raisons de certaines peines, mais montre la réalité sans fard. Une vie d’attente et de petites routines quand certains sont même assomés par une camisole chimique. On y mesure bien comment, derrière les barreaux des Baumettes – ce n’est sans doute pas isolé en France – il est surtout question de surveiller et punir. Moins de réinsérer.
Il a fallu l’énergie de l’ancienne directrice des Baumettes, Christelle Rotach, pour que les deux cinéastes puissent réussir à filmer ce quotidien et montrer ce qu’il peut rester d’humanité dans un tel cadre. Par une réalisation qui semble se jouer des contraintes d’un espace réduit, par un montage habile, Alice Odiot et Jean-Robert Viallet parviennent à nous conduire au plus près des prisonniers. Une plongée au plus près de leur intimité qui ne peut que susciter des interrogations sur le rôle de la prison en France.
