UN DIVAN À TUNIS, de Manele Labidi – 1h28
Avec Golshifteh Farahani, Majd Mastoura, Hichem Yacoubi
Sortie : mercredi 12 février 2020
Mon avis : 4 sur 5
Le pitch ?
Selma Derwish, 35 ans qui, après avoir exercé en France, ouvre son cabinet de psychanalyse dans une banlieue populaire de Tunis. Les débuts sont épiques, entre ceux qui prennent Freud et sa barbe pour un frère musulman et ceux qui confondent séance tarifée avec « prestations tarifées ». Mais au lendemain de la Révolution, la demande s’avère importante dans ce pays schizophrène. Alors que Selma commence à trouver ses marques, elle découvre qu’il lui manque une autorisation de pratique indispensable pour continuer d’exercer…
Ce qui touche dans le film ?
« La Tunisie a toujours été pour moi une matière cinématographique puissante, de par ses paysages, sa lumière et la complexité de ses habitants au carrefour entre culture arabo-musulmane et méditerranéenne. Je savais que mon premier film se passerait à Tunis mais c’est la révolution tunisienne qui a été le véritable déclencheur. La révolution a rendu le pays tout d’un coup « bavard » après des décennies de dictature et c’est cette effusion de parole intime et collective que j’avais envie de traiter. J’ai aussi compris que la révolution avait eu impact sur le psychisme de la population : la chute brutale de la dictature avait plongé le pays dans un chaos et une incertitude provoquant chez certains des troubles anxieux et dépressifs liés aux interrogations sur l’avenir politique du pays, la crise économique, le spectre islamiste, le terrorisme » explique Manele Labidi.
L’idée astucieuse de la cinéaste franco-tunisienne est d’avoir pris le parti d’en sourire sans raconter une fois de plus le choc entre Occident et Orient, en revenant sur les rancœurs du colonialisme. Elle préfère utiliser la figure de Selma qui symbolise un peu une fable moderne. Face au flic qui joue l’officier de la nouvelle génération, incorruptible et ombrageux, Selma incarne une femme libre qui se joue des conventions, fume comme un pompier et assume, dans un pays très machiste, de ne pas vouloir de mec attitré. Libre, elle se joue aussi des codes de sa profession et se permet même d’afficher un poster décalé du maître Freud, revu à la sauce orientale.
Autour de Golshifteh Farahani, radieuse dans ce personnage de rebelle, la réalisatrice multiplie une galerie de personnages qui sont haut en couleur. Que ce soit le boulanger qui veut assumer son homosexualité (campé avec beaucoup de drôlerie par Hichem Yacoubi ou la patronne du salon de coiffure qui, derrière une image de femme forte, laisse voir bien des fêlures.

Se terminant sur une note d’espoir, ce premier film tonique en diable, se moque de la Tunisie d’aujourd’hui, sans céder à la moindre sinistrose. Et si le mariage du rire et de la psychanalyse était la meilleure thérapie pour sortir d’une longue dictature et échapper un instant au moralisme ambiant ?
